HOMOSEXUALITÉ SANS « FRONTIÈRES » ?

TOUTES LES VIES DE KOJIN, de Diako Yazdani – 1h27

Documentaire

Sortie : mercredi 12 février 2020

Mon avis : 4 sur 5

Le pitch ?

Dans ce documentaire à la première personne, Diako Yazdani, réfugié politique en France, retourne voir sa famille au Kurdistan irakien et leur présente Kojin un jeune homosexuel de 23 ans qui cherche à exister au sein d’une société où il semble ne pas pou- voir trouver sa place. Avec humour et poésie, le réalisateur livre un portrait émouvant où les rencontres des uns et des autres invitent à une réflexion universelle sur la différence.

Ce qui touche dans le film ?

Diako Yazdani l’avoue sans ambages : « Jusqu’à l’âge de 18 ans, j’étais homophobe ». Et puis, petit à petit, il a commencé à s’interroger sur la question, à réfléchir et le film Mika notamment l’a ému en 2008, en montrant les conditions de vie des homosexuels aux États-Unis. Il raconte : « En 2014, j’ai retrouvé un ami kurde iranien réfugié en Irak à cause de ses activités politiques. Il subissait une double violence, car il était également homosexuel et rejeté par sa famille. Très touché par son histoire, j’étais aussi en colère contre la société kurde et contre moi-même parce qu’on ne faisait rien pour cette communauté. C’est à partir de là que j’ai pris ma caméra et com- mencé à faire des images. Au départ, je voulais faire un film dénonçant l’inaction des intellectuels kurdes face à l’exclusion des homosexuels. Mais très peu ac- ceptaient de témoigner parce que dans les sociétés kurdes, ce sujet est encore tabou. »

Quand on suit le voyage de Kojin au pays, on se dit qu’il lui a fallu un grand courage pour accepter de témoigner à visage découvert et à parler de son parcours, des agressions dont il fut victime dans sa jeunesse. Il en fait montre notamment quand il fait face à des religieux.

Une fois de plus, on mesure comment les religions provoquent bien des ravages dans les mentalités quand on entend certaines personnes, a priori cultivées, dirent que l’homesexualité est « une mauvaise chose du point de vue de l’Islam et de la société. » Ou quand on voit la « recette » d’un éminent religieux pour soigner cette « maladie » : un cocktail de coups dans le dos avec une règle plate pour soigner du djinn, le mauvais esprit, et trois heures de lecture du Coran ! On croît rêver, tout en sachant que, du côté du judaïsme ou du catholicisme, l’ouverture d’esprit est loin d’être au rendez-vous.

Une autre force du documentaire, c’est que Diako Yazdani a choisi d’intégrer sa propre famille dans le fil du récit et dont certains propos de ses membres témoignent de leur difficulté à accepter cette différence. Le tout étant ponctué par une forme d’humour noir qui permet toujours au réalisateur de prendre de la distance : on le ressent quand il croise la route de l’imam dont les actes semblent vraiment dérisoires et absurdes. Tout comme son appareil électronique pour détecter l’homosexualité.

Aujourd’hui, le sort de Kojin n’est pas réglé et il est retenu dans un camp de réfugiés en Allemagne. « Il se retrouve enfermé à l’intérieur d’un camp dans une nouvelle société kurde, toujours aussi homophobe« , témoigne le réalisateur. Comme s’il était condamné à être partout mal reçu dans un univers d’exclusions.

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