PORTRAIT D’UN MILITANT DÉCOMPLEXÉ

LA CRAVATE, de Etienne Chaillou et Mathias Théry – 1h37

Documentaire

Sortie : mercredi 5 février 2020

Mon avis : 4 sur 5

Le pitch ?

Bastien a vingt ans et milite depuis cinq ans dans le principal parti d’extrême-droite. Quand débute la campagne présidentielle, il est invité par son supérieur à s’engager davantage. Initié à l’art d’endosser le costume des politiciens, il se prend à rêver d’une carrière, mais de vieux démons resurgissent…

3 raisons d’y aller ?

Une forme originale. Pour cette plongée dans le quotidien d’un militant d’extrême droite, Etienne Chaillou et Mathias Théry ont eu une idée géniale : lui  faire lire face à la caméra et commenter le récit de sa vie, illustré au demeurant par des images de reportage. Ils ont choisi Bastien après avoir fait la demande au Front National de la Jeunesse du Nord pour rencontrer de jeunes militants. Mathias Théry raconte : « À la première rencontre avec Bastien, nous l’avons trouvé d’aspect un peu caricatural, en blouson de cuir et cheveux ras, et complètement fasciné par Marine Le Pen, dont il avait même un portrait affiché au-dessus de son lit. Mais il se montrait très curieux. C’était un jeune qui cherchait à discuter avec les gens qui ne pensent pas comme lui. » On le mesure par exemple quand il croise le chemin d’une militante de la République En Marche et s’affronte verbalement avec elle sans hausser pour autant le ton.

Une franchise qui en dit long. Acceptant de tout dire, y compris ce qu’il avait tu sur une moment de sa vie pas vraiment recommandable, Bastien montre bien, par sa franchise, que les digues ont largement craqué et que la parole de l’extrême droite est bien « dé-diabolisée ». En prime, Bastien se méfie de certains dérapages verbaux et, les rares fois où il se lache, il peut invoquer une soirée un peu trop arrosée entre copains. Des copains que l’on voit à plusieurs reprises dans ce doc.

D’autre part, à travers son parcours, on mesure comment les équipes du Front National, devenu Rassemblement national, se taillent une image de respectabilité à l’image de son jeune mentor et ami. Le titre La Cravate prend alors symboliquement toute une dimension. Cet accessoire de la tenue masculine qui tient lieu de sésame pour se fondre dans la foule du politiquement correct.

Une écriture littéraire. Par le truchement du journal, du texte écrit, dans lequel le passé simple n’est pas absent, loin de là, Etienne Chaillou et Mathias Théry signe un documentaire qui, sans jamais tomber dans le pamphlet ni être dans une empathie dangereuse, prend date et adopte une certaine distance. Leur caméra est très proche de Bastien sans pour autant s’installer dans une familiarité dérangeante. Et c’est ce qui donne à ce film une force indéniable…

 

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