LA RIVIÈRE DES TRÉPASSÉS…

VIDÉO

Signé du réalisateur thaïlandais Phuttiphong Aroonpheng, Manta Ray est désormais disponible en DVD. Un drame onirique inspiré par les tourments vécus par les réfugiés rohingyas.

Près d’une côte où des réfugiés rohingyas ont été retrouvés noyés, un jeune pêcheur thaïlandais trouve en pleine forêt un homme blessé et inconscient. Il lui porte secours et le soigne. L’étranger se révèle être muet. Il le nomme Thongchai et lui offre son amitié. Un jour, le pêcheur disparaît mystérieusement. Thongchai va peu à peu prendre sa place…

Ce premier long métrage de Phuttiphong Aroonpheng – un directeur photographique reconnu – frappe par un récit surréaliste où l’irruption d’un réfugié presque noyé par ce pêcheur à la crinière dorée vient bouleverser le cours de l’existence dans ce village perdu le long de rivière Moei, cette petite étendue d’eau entre la Thaïlande et le Myanmar, l’ex-Birmanie. L’histoire s’inscrit en droite ligne de Ferris Wheel, le court métrage signé par le réalisateur en 2015. Il souligne : « Mon scénario de départ, Departure Day, était en deux parties : la première montrait un travailleur immigré du Myanmar passant la frontière thaïlandaise et la deuxième partie devait se passer dans un port de pêche et raconter la quête d’une véritable identité pour un homme mystérieux. La première partie est devenue Ferris Wheel et j’ai développé la deuxième partie pour en faire Manta Ray. » Ceux qui ne connaissent pas le court métrage pourront le découvrir dans le bonus du DVD où figure aussi une rencontre avec le réalisateur.

Avec le drame récent des réfugiés Rohingyas qui a surgi à la fin des années 2010 – une population musulmane chassée du Myanmar et victime de bien des persécutions – ce film, dont le scénario remonte pourtant à plusieurs années déjà,  a pris une résonance particulière.  Cela dit,  par la manière de construire l’histoire, Manta Ray offre une réflexion plus large sur l’identité, d’appartenance ethnique et la notion de frontière.

Parfois énigmatique,  jouant sur une économie de dialogues, l’histoire plonge le spectateur dans un monde rural qui bascule vers l’irréel avec, par exemple,  ces étranges chasseurs-guerriers qui crépitent dans la pénombre, offrant des séquences d’une grande intensité poétique.

Un conte à la lisière du réalisme et du rêve où les vivants semblent poursuivre  un dialogue permanent avec les trépassés. Déroutant, ce premier film ne manque ni d’ambition, ni d’audaces visuelles.

(*) Jour2Fête

Laisser un commentaire