PALESTINIEN SANS FRONTIÈRES

IT MUST BE HEAVEN, de Elia Suleiman – 1h47

Avec Elia Suleiman, Grégoire Colin, Vincent Maraval, Gael Garcia Bernal

Sortie : mercredi 4 décembre 2019

Mon avis : 4 sur 5

Le pitch ?

Elia Suleiman fuit la Palestine à la recherche d’une nouvelle terre d’accueil, avant de réaliser que son pays d’origine le suit toujours comme une ombre. La promesse d’une vie nouvelle se transforme vite en comédie de l’absurde. Aussi loin qu’il voyage, de Paris à New York, quelque chose lui rappelle sa patrie.
Un conte burlesque explorant l’identité, la nationalité et l’appartenance, dans lequel Elia Suleiman pose une question fondamentale : où peut-on se sentir  » chez soi  » ?

Ce qui touche dans le film ?

Il y a chez Elia Suleiman un sens inné du burlesque qui lui permet d’aborder les sujets les plus graves sans jamais se départir d’un côté décalé. Au cœur du récit, il y a son personnage, mutique et lunaire à souhait, qui promène son regard de myope sur le monde qu’il découvre et qui tente de trouver des raisons de croire en un autre avenir pour la Palestine.

Pour présenter son nouvel opus, le cinéaste, né à Nazareth en juillet 1960, souligne : « Si dans mes précédents films, la Palestine pouvait s’apparenter à un microcosme du monde, It Must Be Heaven, tente de présenter le monde comme un microcosme de la Palestine. It Must Be Heaven donne à voir des situations ordinaires de la vie quotidienne d’individus vivant à travers le monde dans un climat de tensions géopolitiques planétaires. La violence qui surgit en un point est tout à fait comparable à celle qui s’observe ailleurs. Les images et les sons qui véhiculent cette violence ou cette tension imprègnent tous les centres du monde, et non plus seulement, comme autrefois, quelques coins reculés du monde. Les checkpoints se retrouvent dans les aéroports et les centres commerciaux de tous les pays. Les sirènes de police et les alarmes de sécurité ne sont plus intermittentes mais constantes. »

En misant sur une économie des dialogues réduits à leur plus simple expression, à une épure des mots, Elia Suleiman signe un film où il convoque l’esprit d’un Buster Keaton, d’un Samuel Beckett, voire d’un Jacques Tati , comme le prouvent les nombreuses séquences du ballet des policiers qu’ils soient filmés à Paris ou dans le Central Park de New York. De même la séquence d’ouverture est tout sauf attendu et laisse voir un autre visage de la foi et de la componction des prélats.

En captant la banalité du quotidien, à travers le propre regard de son personnage au look de touriste permanent avec son chapeau de paille, Elia Suleiman nous montre l’absurdité de notre monde et de ses frontières. Il montre aussi les limites de certains actes militants – la scène du congrès de soutien à la Palestine est fort drôle – , privilégiant surtout ces petits riens qui font notre quotidien, en Palestine comme ailleurs. Décalé, original et irrévérencieux, le nouveau film de Suleiman méritait bien la Mention spéciale qui lui accorda le jury au dernier festival de Cannes.

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