LES ÉBLOUIS, de Sarah Suco – 1h39
Avec Camille Cottin, Jean-Pierre Darroussin, Eric Caravaca, Céleste Brunnquell
Sortie : mercredi 20 novembre 2019
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Camille, 12 ans, passionnée de cirque, est l’aînée d’une famille nombreuse. Un jour, ses parents intègrent une communauté religieuse basée sur le partage et la solidarité dans laquelle ils s’investissent pleinement. La jeune fille doit accepter un mode de vie qui remet en question ses envies et ses propres tourments. Peu à peu, l’embrigadement devient sectaire ; Camille va devoir se battre pour affirmer sa liberté et sauver ses frères et sœurs.
Ce qui touche dans ce film ?
Pour son premier film, Sarah Suco n’a pas choisi la facilité en montrant comment la foi peut devenir une vraie maladie quand elle se marie au sectarisme et à l’obscurantisme. Ce film est dédié à ses
frères et sœurs car la cinéaste a connu de l’intérieur ce type de communauté charismatique où elle a vécu, dix ans, en famille. Elle raconte : « L’idée d’en faire un film germait dans ma tête depuis très longtemps et, arrivée à la trentaine, la nécessité l’a emporté et je me suis sentie prête à me lancer. »
L’idée scénaristique intéressante – Sarah Suco l’a écrit avec Nicolas Silhol – c’est de nous faire découvrir, petit à petit, la vie de cette communauté à travers les yeux de Camille qui accepte, pour faire plaisir à sa mère, d’obéir au père la dirigeant, le Berger, admirablement campé par Jean-Pierre Darroussin dont la douceur et le charisme apparaissent vite très inquiétante.Si tout n’est pas noir dans la vie de cette communauté où l’on ressent un sens du partage, la cinéaste montre comment, petit à petit, on glisse vers l’inacceptable, le honteux quand la foi devient un alibi au pire des sectarismes et des dérives. Même s’ils sont gagnés par l’atmosphère fraternelle, on sent les parents de Camille souvent perdus par certains rituels. Et pourtant, ils finissent pas ne plus s’interroger. Commentaires de Sarah Suco : « Le film raconte à quel point il est simple de se faire embrigader lorsque les besoins sont présents en nous et qu’un groupe nous attire de belle manière. » Privilégiant une mise en scène fluide, la réalisatrice a pu s’appuyer sur le talent d’Yves Angelo, le responsable des images.
Outre le casting réussi des enfants de la famille -Céleste Brunnquell est étonnante car elle peut passer d’une attitude de gamine à celui d’une adulte sûre de ses choix – Sarah Suco a eu la main heureuse avec les comédiens. Dans le rôle inattendu pour elle de Christine Lourmel, cette mère conquise par les croyances les plus folles, Camille Cottin surprend son monde quand Eric Caravaca sait parfaitement faire passer les engagements et les doutes de ce prof qui subit sa vie. Quant à Laurence Roy et Daniel Martin (ils jouent les parents de Christine), leur irruption offre un contrepoint savoureux et marquant à la vie de ces combattants de la foi.
Après Grâce à Dieu, de François Ozon, voilà une nouvelle histoire qui met le doigt sur certaines dérives de l’Église. Cela va provoquer un débat, mais il est salutaire.
