LE CRI D’ALARME DE LADJ LY

Natif de Montfermail, ville de la banlieue déshéritée de Paris, Ladj Ly a marqué le dernier festival de Cannes avec Les Misérables, sur les écrans le 20 novembre. Après avoir remporté le prix du Jury (ex aequo avec Bacurau), son film représentera la France aux Oscars.

Les Misérables, c’était dans l’esprit du public un célèbre roman de Victor Hugo, maintes fois adapté au cinéma. Désormais, il y a aura aussi le film éponyme de Ladj Ly… Le pitch ?  Tout juste arrivé de Cherbourg,  Stéphane, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada, deux « Bacqueux » d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes… Membre du collectif Kourtrajmé créé en 1994 par Kim Chapiron, Toumani Sangaré et Romain Gavras, Ladj Ly a auparavant réalisé des web-documentaires qui ont été remarqués, comme 365 jours à Clichy-Montfermeil, tourné pendant les émeutes de 2005, ou encore 365 jours au Mali, où il s’est immergé dans ce pays pendant un an.

En 2017, il avait surpris son monde par Les Misérables, un court métrage où il suivait le parcours périlleux d’un membre de la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil. Y figuraient déjà  Damien Bonnard, Djebril Didier Zonga et Alexis Manenti. La nomination de son film au César du Meilleur court métrage en 2018 lui a donné l’envie de pousser l’aventure et de passer au long format.

Avec ce film, le réalisateur s’est inspiré de son quotidien. Il raconte : « Tout ce qui est dedans est basé sur des choses vécues : la liesse de la Coupe du monde évidemment, l’arrivée du nouveau flic dans le quartier, l’histoire du drone… Pendant cinq ans, avec ma caméra, je filmais tout ce qui se passait dans le quartier, et surtout les flics, je faisais du copwatch. Dès qu’ils débarquaient, je prenais ma caméra et je les filmais, jusqu’au jour où j’ai capté une vraie bavure. Dans le film, l’histoire du vol du lionceau déclenchant la colère des Gitans propriétaires du cirque est également vécue… J’ai voulu montrer toute la diversité incroyable qui fait la vie des quartiers. J’habite toujours ces quartiers, ils sont ma vie et j’aime y tourner. C’est mon plateau de tournage ! »

Évitant le manichéisme, Les Misérables ne montre pas les gentils jeunes contre des méchants films. Il restitue un pan de la réalité de ces banlieues. Le réalisateur poursuit : « Le Maire » a un côté éducateur et en même temps un peu crapuleux, les flics pareils, ils sont tour à tour sympas, dégueulasses, humains… On navigue dans un monde tellement complexe que c’est difficile de porter des jugements brefs et définitifs. »

Film en immersion dans le quartier, Les Misérables joue avec les codes et les marqueurs médiatiques (le roman de Victor Hugo ou la marée de drapeau français lors de la victoire de la Coupe du Monde) pour offrir un film humaniste et politique qui montre bien un système dont tout le monde est victime. Dans L’Obs, Ladj Ly commente :  « Mon film est un cri d’alarme que j’adresse aux politiques, les premiers responsables. Ce sont eux qui ont laissé cette situation perdurer pendant trente ans. Il y a deux mondes : le peuple et l’élite, qui ne comprend pas ce qu’il se passe, reste dans sa petite bulle et s’étonne que les gens descendent dans la rue, prêts à tout casser. »

 

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