VITIS PROHIBITA, de Stéphan Balay – 1h31
Documentaire.
Sortie : mercredi 6 novembre 2019
Mon avis : 3 sur 5
Le pitch ?
Cela pourrait-être une légende, mais c’est l’histoire, bien réelle d’une tentative d’assassinat réglementaire, la mise au ban d’une poignée de cépages … Déclassés, des vins interdits, accusés de tous les maux, rendus coupables d’avoir mauvais goût et incriminés de rendre fou. Leur crime ? Résister. Résister aux maladies, être naturellement adaptés aux changements climatiques et s’affranchir des pesticides et autres produits qui inondent la viticulture moderne.
Bravant une législation extrêmement hostile et en dépit de la très mauvaise réputation de ces cépages, des paysans rebelles, convaincus de leurs vraies valeurs, n’ont cessé de cultiver les interdits.
Et alors ?
Stéphan Balay nous convie dans un voyage œnologique surprenant, tant l’origine de ces vins rebelles et les débats politiques qu’ils ont engendrés sont un peu oubliée. L’affaire remonte à loin : l’histoire de ces cépages hybrides est née de la crise du phylloxéra en 1885 avec le greffage de plants américains pouvant relancer la production française et qui conduira même à une vraie surproduction. Faisant pénétrer en Europe de nouveaux cépages, cette crise va modifier le paysage viticole, et même si lesdits plants ont pu être interdits à certaines époques, leur production a perduré.
Clinton, Isabelle, Noah, Othello… sont alors autant de noms de ces cépages que nous fait découvrir Stéphan Balay dans ce voyage en forme d’immersion en France, Autriche, Suisse et aux États-Unis dans des territoires, comme les Cévennes gardoises, où des exploitants se battent pour défendre ces productions et ces traditions.
Si le ton du commentaire manque parfois un peu de tonus, ce documentaire a le mérite de nous faire découvrir tout un pan mal connu de l’exploitation des vignes et de tordre le cou à certaines idées fausses, notamment celles d’une présence forte de méthanol dans ces cépages qui pourrait provoquer la folie. Comme l’explique Adeline Bauvard, ingénieur agronome du laboratoire Natali de Montpellier, son taux dans les vins analysés se situe dans une juste moyenne et il
n’y a rien d’inquiétant pour la santé à redouter.`
Donnant la parole à des paysans rebelles, dont certains sont très jeunes, Vitis Prohibita est aussi un documentaire destiné à défendre la diversité des goûts. Stephan Balay de souligner : « Depuis quelques années la vente « clandestine » tend à disparaître, devenant au contraire objet de revendications. Revendication contre notre société aux goûts formatés, revendication pour une agriculture respectueuse de l’environnement, revendication de faire tomber une prohibition imposée par de vieilles lois infondées, injustes et obsolètes. C’est ce film que j’ai voulu faire, en donnant la parole aux anciens qui ont perpétué la tradition du vin de treille, aux jeunes qui ont une vision plus structurée de potentiel d’exploitation de ces vins en termes d’emplois et de retombées économiques, aux militants passionnés qui sont de fins connaisseurs de ces plantes. »
Cette plongée au cœur des cépages apparaît alors, in fine, comme la défense d’une certaine qualité de vie et, même dans des restaurants gastronomiques de la Capitale, on s’intéresse désormais à ces nouvelles productions. En Autriche aussi, l’Uhudler, un vin pressuré à partir de grappes de raisin des vignes américaines, dans le Burgenland, est devenu un atout économique qui fait vivre bien des petits exploitants et autres restaurateurs. Un voyage œnologique qui provoque vraiment des découvertes et une remise en question de l’uniformisation de la culture viticole.
