ALGÉRIE : CES FILLES QUI SE REBELLENT

PAPICHA, de Mounia Medour – 1h46

Avec Lyna Khoudri, Nadia Kaci, Yasin Houicha, Shirine Boutella, Samir El Hakim

Sortie : mercredi 9 octobre 2019

Mon avis : 4 sur 5

Le pitch ?

Alger, années 90. Nedjma, 18 ans, étudiante habitant la cité universitaire, rêve de devenir styliste. A la nuit tombée, elle se faufile à travers les mailles du grillage de la Cité avec ses meilleures amies pour rejoindre la boîte de nuit où elle vend ses créations aux  » papichas « , jolies jeunes filles algéroises. La situation politique et sociale du pays ne cesse de se dégrader. Refusant cette fatalité, Nedjma décide de se battre pour sa liberté en organisant un défilé de mode, bravant ainsi tous les interdits.

3 raisons d’y aller ?

Une plongée dans l’Algérie moderne. Les récentes manifestations en Algérie ont prouvé que, malgré la fin de l’épisode noir des années 90, tout reste à faire en matière de liberté. Mounia Medour explique comment est née l’idée de ce film, inspiré du quotidien des jeunes étudiantes à l’époque : « J’ai fait toute ma scolarité en Algérie, puis une année de fac de journalisme pendant laquelle j’habitais une cité universitaire très proche de celle du film. Au terme de cette année, alors que j’avais dix-sept ans, ma famille a décidé de quitter le pays. Les intellectuels étaient en première ligne. Mon père, lui-même cinéaste, avait subi des menaces, c’était le cœur de ce qu’on a appelé la « décennie noire ». Nous nous sommes installés en Seine-Saint-Denis où la mairie de Pantin avait facilité nos démarches et accueillait déjà beaucoup de familles d’artistes et d’intellectuels algériens. »

À cet égard, le combat de la jeune Nedjma et de ses amies dans un pays où l’intégrisme tente d’imposer sa loi par la violence est symbolique d’une jeunesse qui refuse de courber l’échine. Et l’histoire offre une vraie résonance avec bien des luttes actuelles.Le portrait fort d’une jeune femme qui lutte. Le courage de Nedjma est d’autant plus grand qu’elle vient d’un milieu populaire et, malgré les intimidations quotidiennes – celles des copains étudiants, des femmes intégristes ou les agressions physiques du concierge de l’université – elle se refuse à un exil qui faciliterait sans doute ses rêves de mode. Mounia Medour souligne : « Nedjma est une jeune femme combative, qui rêve de rester dans son pays. J’étais comme elle : quand on est jeune et qu’on n’a pas conscience des opportunités qu’offre l’étranger, on n’a pas envie de partir. Le départ a été difficile pour moi, il s’est fait du jour au lendemain, c’était un déracinement. » Nedjma est remarquablement incarnée par Lyna Khoudri, qui parvient à exprimer la confiance à la limité du déni de réalité de cette jeune étudiante ne se rendant pas vraiment compte des dangers qui planent sur elle et sur ses amies, malgré les agressions dont elle est victime. Une composition forte qui a valu à la jeune actrice un Prix d’interprétation au dernier festival d’Angoulême. Il y a encore de très belles scènes entre Nedjma et sa mère qui symbolise ces femmes qui ont combattu pour l’indépendance de leur pays et ne comprennent plus ce qui arrive aujourd’hui à cette société.

Une réalisation en forme de reportage. Avec une caméra mobile, en utilisant très bien les décors algérois, et avec des dialogues qui font souvent mouche, Mounia Medour filme au plus près le quotidien de ces jeunes femmes avec le point culminant du défilé de haïks qui provoque la déflagration finale. La cinéaste conclue : « En Algérie, chaque femme a un haïk chez elle. Cette étoffe était, au-delà de sa fonction vestimentaire traditionnelle, le symbole de la résistance nationale algérienne contre la politique coloniale française. » Un accessoire qui finit ici par symboliser la résistance à tout obscurantisme religieux.

Une histoire puissante, dérangeante et un très touchant portrait de femmes en lutte.

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