JODOROWSKY, LOIN DE FREUD

PSYCHOMAGIE, UN ART POUR GUÉRIR, de Alejandro Jodorowsky – 1h44

Documentaire

Sortie : mercredi 2 octobre 2019

Mon avis : 3 sur 5

Le pitch ?

Si chacun d’entre nous a un héritage génétique, il possède aussi un héritage psychologique qui se transmet de génération en génération. Alejandro Jodorowsky, cinéaste et artiste multidisciplinaire convaincu que l’art n’a de sens profond que s’il guérit et libère les consciences, a créé la Psychomagie. Au moyen d’actes théâtraux et poétiques s’adressant directement à l’inconscient, cette thérapie permet, selon son créateur,  de libérer des blocages.

Et alors ?

Marqué par le surréalisme et le futurisme, Alejandro Jodorowsky a imaginé aussi ce qu’il nomme le « théâtre éphémère« . Il explique : « Il s’agissait de proposer à une personne de faire quelque chose qu’elle n’avait jamais fait auparavant. Un acte poétique, toujours constructif, jamais destructif. Très vite, j’ai senti que cela avait une vertu thérapeutique. »

Pour mettre à jouer ce qu’il nomme cette « psychomagie« , il est parti de la même ambition que la classique psychanalyse, mais en passant des mots aux actes comme il l’explique : « La psychomagie a le même but que la psychanalyse, rendre à la personne la conscience de soi, éliminer ce qui l’empêche d’être soi. Mais pour cela, il faut davantage que les mots, il faut un acte. Ici, se noue la rencontre avec cette phrase du futurisme qui m’a tant marqué : « la poésie est un acte ». J’ai envisagé la psychomagie comme un acte guérisseur, qui permet de toucher en soi son véritable être. »

Au fil de séquences de ses « traitements », nourries des extraits de ses films dont le tout premier, Fando et Lis qui remonte à 1968,  on découvre comment Jodorowsky conçoit son travail et son rapport à l’autre dans des moments où le cinéaste suit les réactions de ses « patients ». Il évoque :  « Quand je réalise un film, je sais précisément ce que je veux. Je tourne quinze, vingt prises, jusqu’à obtenir l’intonation juste, la performance exacte. Je suis responsable de tout ce qu’il y a à l’écran. Mais avec la psychomagie, c’est tout le contraire. Je ne suis pas propriétaire du texte. Je ne peux pas préparer la prise de vue. Je ne peux rien faire refaire. Je ne sais pas comment les gens vont accomplir l’acte que je leur propose, ni comment ils vont réagir. De ce fait, ce film n’est pas un documentaire classique. Là, tout se produit en direct, sans filet. Il y a la même différence qu’entre montrer une mayonnaise et montrer comment on fait une mayonnaise : elle peut prendre ou ne pas prendre. »

Si le film touche par bien des séquences où la poésie surgit de nombreuses images – celle de la jeune femme latino-américaine  enterrant sa robe de mariée en souvenir de son ami qui s’est défenestré sous ses yeux ou celle des Mexicains qui « évacuent » le poids des morts violentes en chantant la Llorona – Il n’est pas exempt d’ambiguïté, notamment dans la scène d’un théâtre bondé où Jodorowsky tente une « expérience » avec une candidate atteinte d’un cancer car, même s’il s’en défend, le réalisateur peut apparaître comme un prédicateur un brin inquiétant dans un tel contexte.

En revanche, il touche indéniablement avec d’autres moments comme cet « accouchement » sur la scène du théâtre Dejazet à Paris d’Arthur H qui se met à nu en évoquant les rapports qui furent parfois tendus  avec son père, le grand Jacques et avec lequel il a fait désormais la paix.

Ce sorcier d’Alejandro Jodorowsky est un conteur et un poète qui sait embarquer le public dans son monde parallèle. Dérangeant certes, cette Psychomagie est un documentaire qui, malgré certaines ambiguïtés , ne manque pas d’intérêt.

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