DE CENDRES ET DE BRAISES, de Manon Ott – 1h13
Documentaire
Sortie : mercredi 25 septembre 2019
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Portrait poétique et politique d’une banlieue ouvrière en mutation, De Cendres et de Braises nous invite à écouter les paroles d’habitants des cités des Mureaux, près de l’usine Renault-Flins. Qu’elles soient douces, révoltées ou chantées, au pied des tours de la cité, à l’entrée de l’usine ou à côté d’un feu, celles-ci nous font traverser la nuit jusqu’à ce qu’un nouveau jour se lève.
Ce qui touche dans ce doc ?
L’idée du film trottait dans la tête de Manon Ott et de son compagnon, Grégory Cohen, cinéaste et chercheur, depuis longtemps. Ensemble, ils rêvaient de faire un travail de fond dans des quartiers dits « populaires » de la région parisienne. Elle poursuit : « J’avais aussi l’envie de revisiter l’histoire ouvrière de ces territoires aujourd’hui en pleine mutation, de voir ce qui change, comment on y vit, comment s’y engage la jeunesse actuelle,… Mais pour avoir déjà travaillé dans différents quartiers, nous savions qu’un tel projet nécessiterait du temps. D’abord parce que saisir l’histoire de ces territoires n’est pas si simple, mais aussi parce qu’y nouer des liens de confiance, d’amitiés aussi, ne se fait pas du jour au lendemain. Sans compter que ce sont des espaces où il peut être compliqué de filmer. »
Ayant déniché les financements pour le tourner ce film, ils ont consacré trois ans d’enquête pour préparer le tournage. C’est ainsi qu’ils ont découvert l’histoire des cités HLM de la ville des Mureaux, dans les Yvelines, construites dans les années 1960 pour loger les ouvriers de l’usine voisine, la médiatique Renault-Flins, qui a compté, dans ces années de gloire, les années 1970, jusqu’à 23 000 ouvriers. En suivant la réalisatrice aujourd’hui sur le terrain, on découvre qu’il n’y en a plus que 4 000 dont une bonne partie de CDD et d’intérimaires, auxquels on confie les travaux les plus rudes.
Les temps ne sont plus à la comédie sociale sur fond de vie périphérique et du Elle court, elle court ma banlieue, de Gérard Pirès en 1973. Aujourd’hui, aux Mureaux, entre deux générations chômage, les quelques jobs consistent à garder la nuit les garages pour éviter l’installation des SDF et surveiller les voitures qui permettent aux rares salariés de bosser. Et où bien des habitants connaissent directement ou pas proches interposés la case prison. Ce qui ne les empêchent pas de
se battre pour tenir debout.
Car, il y a chez ces oubliés des médias, sauf pour y tourner des séquences souvent racoleuses et spectaculaires, un engagement pour s’en sortir malgré tout. Ainsi avec les CROMS, une bande d’amis trentenaires qui ont créé une association dans le quartier où ils ont grandi. Ou encore, l’étonnant Momo, ancien braqueur devenu, par la grâce de ses lectures en taule (de Marx à Rimbaud) un militant politique qui refait le monde devant la caméra, le temps d’allumer un feu de bois.
Tournant en grande partie de nuit, ce qui donne un côté théâtral à certains décors, ayant opté pour la noir et blanc, qui a un fort pouvoir pour titiller notre imaginaire, Manon Ott joue de l’indéniable poésie qui se dégage alors du cadre. La nuit permet ainsi de resserrer sur certains personnages et elle est propice aux confidences.
Doc ne misant ni sur le sensationnel, ni sur un optimisme béat, De cendres et de braises, fruit d’un patient travail d’immersion aux Mureaux, donne à voir un autre visage de cette banlieue qui, si elle ne court plus, ne baisse pourtant pas les bras face à la difficulté d’être et de vie au quotidien.


