L’INSENSIBLE, d’Ivan I. Tverdovsky – 1h27
Avec Denis Vlasenko, Anna Slyu, Daniil Steklov
Sortie : mercredi 11 septembre 2019
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Denis a grandi dans l’orphelinat où sa mère l’a abandonné. C’est un garçon spécial qui est atteint d’une maladie rare le rendant insensible à la douleur. Un jour, sa mère débarque et l’emmène à Moscou, où celle-ci est associée à un gang de fonctionnaires corrompus qui extorquent de l’argent à des gens riches. Dès lors, il participe à leurs manigances…
3 raisons d’y aller ?
La plongée sans fard dans la Russie moderne. Après deux films remarqués, Classe à part et Zoologie, Ivan I. Tverdovsky met au cœur de ce nouveau drame avec ce jeune homme qui ne ressent pas la douleur car atteint
d’une maladie rare. Le cinéaste confie : « Je suis toujours intéressé par l’extraordinaire, les personnages inhabituels dans le cinéma. Les personnes qui sont différentes de la plupart d’entre nous ou qui ont des caractéristiques spéciales, qui font d’eux des êtres uniques. Ce sont eux qui changent votre réalité ». Symboliquement, l’histoire renvoie aussi à un pays où toute une génération n’a plus de repères moraux et ne ressent pas le besoin de faire entendre politiquement sa voix. Et devient donc aussi insensible à tout discours idéologique.
Au fil de l’histoire, on découvre un pays où tout le monde est au courant de la corruption (les séquences de procès sont à cet égard très claires avec cette avocate véreuse qui n’a jamais un mot pour la défense), mais laisse faire tant qu’il y a un certain profit à y gagner. La scène de bizutage choisi avec un tuyau se déroulant dans l’orphelinat et qui revient à deux reprises dans le film montre bien aussi comment la jeunesse est étouffée dans un tel cadre.Une réalisation solide. Aussi bien dans les scènes d’action où Ivan I. Tverdovsky sait utiliser magnifiquement la caméra à l’épaule que dans des panoramiques soignés et qui ont toujours du sens – l’espèce de « boîte » pour donner des enfants à l’orphelinat du début du film est un décor glaçant – et cela donne une grande force à ce film qui dénonce l’arnaque si répandue dans le pays. Le tout en se jouant du code du super-héros qui peut sauter au-dessus des voitures. Commentaires du réalisateur : « Denis est un peu un anti-super-héros. Les super-héros dans les bandes dessinées ont toujours des pouvoirs surnaturels et ils les utilisent pour lutter contre les combats auxquels ils sont confrontés. La tragédie de Denis réside dans le fait que contrairement à eux, il ne peut rien changer réellement ». Le film a d’ailleurs justement marqué le festival du cinéma à Arras où il a décroché le Grand prix du jury.
Un casting parfait. Aussi bien Denis Vlasenko dans le rôle de Denis -il signe une composition forte pour son premier long métrage – que Anna Slyu -campant cette mère délurée faisant prendre tous les risques à son fils -ou encore Daniil Steklof – le policier corrompu jusqu’à la moelle -, tous les comédiens tiennent avec brio leur rôle dans cette tragédie moderne qui, bien sûr, évoque la Russie mais a des résonances avec ce qui se passe dans bien d’autres pays. Et les séquences où la mère, en petite tenue, fête le retour à la vie « normale » de son fils symbolise bien une société qui n’a plus aucun repère.
Évoquant une situation grave sous le ton d’un récit policier, L’Insensible est un film fort, violent et dérangeant, qui fait polémique,.
