DENEUVE-BERCOT : LE CHOC DES FAMILLES

FÊTE DE FAMILLE, de Cédric Kahn – 1h51

Avec Catherine Deneuve, Emmanuelle Bercot, Vincent Macaigne, Cédric Kahn

Sortie : mercredi 4 septembre 2019

Mon avis : 4 sur 5

Le pitch ?

« Aujourd’hui c’est mon anniversaire et j’aimerais qu’on ne parle que de choses joyeuses. » En disant ces paroles,  Andréa ne sait pas encore que l’arrivée « surprise » de sa fille aînée, Claire, disparue depuis trois ans et bien décidée à reprendre ce qui lui est dû, va bouleverser le programme et déclencher une tempête familiale.

Trois raisons d’y aller

La description des blessures de famille. Depuis Festen – entre autres – on sait que les réunions familiales peuvent faire mal ! Pour ce onzième long métrage, Cédric Kahn a mis les femmes au centre de l’histoire. Ainsi, le personnage de la mère jouée par Catherine Deneuve donne une importance mineure à la figure d’un père, très effacé. « C’est un film dans lequel les femmes se trouvent au centre. Des femmes puissantes, comiques, tragiques. Et en ce qui me concerne, je dirais : enfin !« , note le cinéaste.

Filmé dans le huit clos de cette belle demeure familiale, le temps d’un anniversaire et d’un week-end, le film emprunte au théâtre avec, en prime, ce clin d’œil du petit spectacle préparé par les enfants de la famille et qui, apportant un peu de légèreté et d’insouciance, ne fait que mettre en relief un peu plus les tensions entre les adultes. Avec, en ultime clin d’œil avec le film dans le film et celui de l’artiste de la famille, campé par Vincent Macaigne, qui vient tourner un doc sur sa famille mais n’a pas l’air de bien savoir où il va filmer.Une réalisation hors du temps. Avec le chef décorateur Guillaume Deviercy, Cédric Kahn a déniché une belle maison qui symbolise les fastes passés d’une famille qui n’a plus les moyens de vivre ses rêves et dont on sent qu’elle se fissure de jour en jour. Et dès qu’on en sort, c’est pour plonger dans l’anonymat des zones de centres commerciaux qui sont partout pareils dans leur laideur moderne. Cédric Kahn joue fort justement de ce cadre au premier abord charmant, mais qui devient vite étouffant. « Je tenais aussi beaucoup au côté « cloître », citadelle imprenable, comme si cette famille vivait dans l’angoisse du monde extérieur, de l’invasion » note le cinéaste.

Un sacré film d’acteurs. La force du film tient aussi (et surtout peut-être) à la réunion d’acteur faisant sonner la moindre réplique. Dans le rôle de la mère qui tente de recoller les morceaux de cette famille se brisant, Catherine Deneuve est impériale, parvenant à masquer ses sentiments profonds derrière un sourire de façade quand tout se déconstruit autour d’elle. Face à elle, Emmanuelle Bercot joue au bout de ses névroses un personnage de fille revenant au bercail le temps d’un anniversaire. Alternant la fantaisie la plus pure – la séquence de la visite de l’agent immobilier est magnifiquement jouée – à l’expression de la « folie » la plus pure, elle est magistrale. Face à Cédric Kahn qui joue le frère rigide, Vincent Macaigne apporte la touche lunaire dans le casting, incarnant le raté magnifique qui vient tourner le documentaire sur sa famille et passe son temps à picoler et à fumer du hasch, tout en rêvant au grand amour.

Cette crise famille est ponctuée de la très belle chanson de Mouloudji, L’Amour, l’amour, l’amour qui confère un côté mélancolie à la plongée derrière le rideau des apparences et des situations convenues. Cette plongée dans les névroses de famille est une vraie réussite.

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