LA CHAIR EST TRISTE

LIBERTÉ, d’Albert Serra – 2h00

Avec Helmut Berger, Marc Susini, Baptiste Pinteaux

Sortie : mercredi 4 septembre 2019

Mon avis : 2 sur 5

Le pitch ?

Madame de Dumeval, le Duc de Tesis et le Duc de Wand, libertins expulsés de la cour puritaine de Louis XVI, recherchent l’appui du légendaire Duc de Walchen, séducteur et libre penseur allemand, esseulé dans un pays où règnent hypocrisie et fausse vertu. Leur mission : exporter en Allemagne le libertinage, philosophie des Lumières fondée sur le rejet de la morale et de l’autorité, mais aussi, et surtout, retrouver un lieu sûr où poursuivre leurs jeux dévoyés. Les novices du couvent voisin se laisseront-elles entraîner dans cette nuit folle où la recherche du plaisir n’obéit plus à d’autres lois que celles que dictent les désirs inassouvis ?

Et alors ?

Destiné à un public particulier et adulte, ce drame d’Albert Serra est le prolongement de la pièce de théâtre qu’il avait montée au printemps 2018 à la Voksbülne, à Berlin. Il souligne : « Au cinéma, je savais que je pouvais aller plus loin, interroger plus en profondeur le désir, le mal être lié au désir. Et j’ai eu l’idée d’un cruising (un terrain de chasse sexuel), d’un cruising historique… Des gens qui sont chassés de la Cour en 1774, à la mort de Louis XV, qui était un grand débauché. Louis XVI les fait chasser, pour mettre un peu d’ordre dans tout cela. »


Pour construire le scénario, Albert Serra s’est inspiré, on le sent,  de plusieurs auteurs, de Casanova à Sade en passant par les analyses d’un Michel Foucault et il signe une histoire crépusculaire sur l’obscur objet du désir dans un décor de forêt perdue, le temps d’une nuit où ces étranges pèlerins se prêtent à différents jeux libertins plus ou moins violents et avilissants dans un ballet parfaitement réglé.  Et une fois encore, le cinéaste traite, avec ce film, d’un de ses thèmes favoris : la mort et la décadence. Avec le questionnement sur un grand absent – Dieu – et, en ce sens, le film est très sadien.

La mise en scène est magnifique car Albert Serra (ci-contre avec Helmut Berger) et son directeur de photographie, Artur Tort, maîtrisent à merveille les atmosphères nocturnes où les protagonistes s’ébattent dans un jeu d’ombres. Ce qui plonge le spectateur dans un état de sidération ou de cauchemar devant l’étalage de tant de pulsions : du fouet à la feuille de rose via même les jets d’urine… Au détour d’une séquence, le cinéaste fait un clin d’œil, conscient ou non, au Salo, de Pasolini quand l’un des nobles contemple un accouplement à travers une jumelle de théâtre.

Malgré cette qualité formelle, le film finit, par la répétitivité des séquences, à lasser. Dans cette description de la fin d’un monde, la lenteur devient vite synonyme de monotonie et le fétichisme de ces nobles montrés à l’écran ne parvient pas à provoquer une vraie excitation de l’imaginaire,  des réactions de fascination-répulsion, comme cela peut être le cas à la lecture d’un livre. Et, petit à petit, c’est l’ennui qui prend le dessus dans ce conte libertin beaucoup trop long…

 

 

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