HALTE, de Lav Diaz – 4h36
Avec Piolo Pascual, Joel Lamangan et Shaina Magdayao
Sortie : mercredi 31 juillet 2019
Mon avis : 5 sur 5
Le pitch ?
2034. Cela fait trois ans que l’Asie du Sud-Est est dans le noir, littéralement. Le soleil ne se lève plus, suite à des éruptions volcaniques massives dans la mer de Célèbes. Des fous dirigent les pays, les communautés, les enclaves et les villes. Des épidémies cataclysmiques ont ravagé le continent. Ils sont des millions à être morts, des millions à être partis.
3 raisons d’y aller ?
Un drame de science fiction passionnant. S’inspirant d’un monologue d’un vieil homme écouté lors d’un festival de cinéma, Lav Diaz a imaginé une histoire futuriste baignée dans la pénombre, et pour cause : le soleil ne brille plus en Asie, ce qui créé une atmosphère étouffante et mortuaire à souhait. Habitué aux rebondissements politiques de son pays natal, le cinéaste philippin décrit la vie névrotique d’un vieux dictateur qui est entouré d’une garde prétorienne qui fait régner la terreur. Il commente rapportant les propos de ce Socrate moderne : « L’humanité dont la propension à l’ignorance conduit à fabriquer des mythes produit hélas ce genre de psychopathes, de mythomanes. La complicité, l’apathie générale y participe aussi, il y a de nombreuses raisons qui poussent les gens à se conduire de la sorte. » Le pouvoir rend fou à n’en pas douter et Lav Diaz décrit le président Nirvano Navarra comme un être capable de crises nerveuses qui parle aux esprits et n’arrive à se détendre que lorsqu’il cultive ses plantes grasses…
Une mise en scène éblouissante. Certes le film fait plus de quatre heures – pour le cinéaste, ses films sont gouvernés par l’espace et la nature, et non par le temps – mais la réalisation est d’une telle qualité que l’on est captivé par la mise en scène raffinée de Lav Diaz. Filmé en noir et blanc, avec un travail de photographique magnifique signée Lav Diza et Daniel Uly – Halte est un opus saisissant par sa force visuelle. Les drones de surveillance y font des tours dans le ciel dans un ballet inquiétant et, quand les forces spéciales débarquent dans un lieu pour réprimer, elles sont précédées par les rayons laser de visée qui trouent la pénombre. Quant aux condamnés, ils sont jetés aux crocodiles pour leur repas quotidien. Enfin, il y a une utilisation visuelle très forte de la pluie quand l’univers semble flou à souhait et donne l’impression aussi que tout pourrit sur place.
Une dystopie écologique. S’il est question de pouvoir politique absolue dans cette histoire, Lav Diaz évoque aussi les ravages que les accidents climatiques peuvent faire subir à la terre. Ici,ce sont les éruptions volcaniques dans la mer des Célèbres qui ont provoqué cette nuit sur les Philippines où le soleil ne se lève plus. Comme souvent chez Lav Diaz, les personnages rampent et se trainent dans un univers alors en décomposition et où la population a complètement perdu ses repères. Quant au dictateur qui est pris de crise de folie et parle à sa mère…
Film sur « la mort de la moralité et de la vérité », Halte est une œuvre coup de poing, un tableau sombre d’une société dans un futur proche. C’est aussi grandiose que glaçant !
