DES OUVRIERS QUI SE REBELLENT

FACTORY, de Yuri Bykov – 1h49

avec Denis Shvedov, Vladislav Abashin, Andrey Smolyakov, Dmitry Kulichkov

Sortie : mercredi 24 juillet 2019

Mon avis : 4 sur 5

Le pitch ?

Réagissant à la vente frauduleuse de leur usine, plusieurs ouvriers décident d’enlever l’oligarque propriétaire des lieux. Ils sont menés par “Le Gris”, un ancien des forces armées. L’enlèvement tourne à la prise d’otage, et, rapidement, la garde personnelle du patron encercle les lieux.

Et alors ?

Noir, c’est noir comme le destin de ces ouvriers paumés au fin fond de la Russie qui, face à la fermeture de leur usine, n’ont plus d’autre recours que de prendre en otage le propriétaire des lieux.

Par le truchement du thriller, Yuri Bykov montre bien le fossé qui sépare de plus en plus dans notre univers mondialisé ceux qui ont tout de ceux qui n’ont rien. Le cinéaste souligne : « Il est nécessaire de continuer à transmettre au public l’idée que l’organisation actuelle de la société, selon un schéma quasi féodal et médiéval de relation « seigneur-serf », et reposant sur un principe profond d’injustice peut entraîner des conséquences sociales graves : perte des valeurs de vie, conscience de la dégradation, fin de la nation. En fin de compte, une telle organisation peut mener à la révolte, voire la révolution. Or, une révolte russe, on le sait, est insensée et impitoyable. » 

Jouant sur bien des codes du cinéma de genre – entre western pour le côté affrontement viril entredeux personnalités et thriller – Yuri Bykov met le spectateur au côté de cette bande de paumés qui, coachés par l’ancien militaire borgne et qui a été grièvement blessé comme en attestent les traces de balles dans son dos sous la douche – Denis Shvedov est excellent-  prennent leur destin en main, même s’ils risquent de tout perdre.

Dénonçant la corruption régnant en Russie, montrant comment les médias jouent un rôle pervers dans la société, Factory est un film noir très bien mené où le réalisateur utilise à merveille ce décor d’une usine qui se délite dans un paysage de morne plaine où le soleil n’a pas du tout rendez-vous avec la pluie. La photographie tire en permanence sur les tons sombres et laisse peu de place au moindre espoir, tant chacun des protagonistes – que ce soit chez les ouvriers révoltés que du côté de la milice de l’oligarque – connaît une vie misérable, sinon matériellement, du moins moralement.

Film de colère, Factory nous tient en haleine jusqu’au terme de cette odyssée moderne d’un noir absolu.

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