L’ŒUVRE SANS AUTEUR, de Florian Henckel Von Donnersmarck – 3h10
Avec Tom Schilling, Paula Beer, Sebastian Koch
Sortie : mercredi 17 juillet 2019
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
À Dresde en 1937, le tout jeune Kurt Barnet visite, grâce à sa tante Elisabeth, l’exposition sur « l’art dégénéré » organisée par le régime nazi. Il découvre alors sa vocation de peintre. Dix ans plus tard en RDA, étudiant aux Beaux-arts, Kurt peine à s’adapter aux diktats du « réalisme socialiste ». Tandis qu’il cherche sa voix et tente d’affirmer son style, il tombe amoureux d’Ellie. Mais Kurt ignore que le père de celle-ci, le professeur Seeband, médecin influent, est lié à lui par un
terrible passé au temps du nazisme. Épris d’amour et de liberté, ils décident de passer à l’Ouest…
3 raisons d’aller le voir ?
Un portrait des deux Allemagnes. Dans cette longue histoire, Florian Henckel Von Donnersmarck (il fut oscarisé par le remarquable La Vie des autres) décrit très bien la vie des populations dans la RFA et la RDA de l’après-guerre, déchirée par la guerre froide et les climats perpétuels de tension politique. Il le fait en s’inspirant du parcours du peintre Gerhard Richter ce qui lui permet de passer en revue trente ans de l’histoire de l’Allemagne et d’évoquer aussi ces nazis qui ont réussi, malgré leur implication dans le régime de Hitler, de tirer leur épingle du jeu. Ici, ironie de l’histoire, c’est grâce à un officier de l’Armée rouge que le professeur Seeband doit sa survie car il a permis à sa femme d’échapper à la mort lors d’un accouchement.
Une réflexion sur l’art. À travers le cas du jeune Gerhard Richter, un jeune artiste enthousiaste, Florian Henckel Von Donnersmarck questionne l’histoire de l’art contemporain en montrant le choc entre le réalisme soviétique et l’art conceptuel qui va bouleverser la donne de la production artistique. Le réalisateur raconte : « Ces dernières années, je me suis retrouvé confronté aux toiles de Richter à des moments importants de ma vie et en présence de très proches amis. J’étais dans l’incapacité de chasser de mon esprit ces tableaux de Richter, même plusieurs semaines et mois après les avoir vus. Comme des airs entêtants qui continuent à vous trotter dans la tête. Comme des rengaines. Sauf que dans ce cas particulier, c’étaient plutôt des rengaines visuelles. Elles étaient une source d’enrichissement continuelle ». Quand Richter parvient à trouver sa voie, ses montages vont créer un séisme dans sa belle famille…
Une mise en scène soignée. En apparence classique, la réalisation de ce film est solide et, par un travail visuel subtil, le cinéaste parvient à nous décrire trois décennies à travers les révolutions artistiques. Florian Henckel Von Donnersmarck évoque en ces termes le travail nécessaire pour dénicher les matériaux et les couleurs exactes des artistes évoqués et ses influences : «Tout d’abord, évidemment, Richter, Beuys, Polke, Uecker, Mack et tous les grands artistes de Düsseldorf de l’époque. Je pense aussi à Warhol, Yves Klein et Lucio Fontana. Je me suis nourri des années d’études de Thomas Demand à Düsseldorf et de celles d’Andreas Schön également. Sans oublier, bien entendu, mon propre passage par l’école de cinéma de Munich. Plusieurs artistes nous ont rendu visite sur le plateau et nous ont soumis leurs idées, comme Andreas Gursky qui est venu quelques jours».
Remarquablement interprétée – Tom Schilling tout comme Sebastian Koch, impeccable dans la peau de l’ancien toubib nazi, jouent très bien leur partition – ce film se regarde, sans le moindre ennui, malgré sa durée de plus de trois heures car cette saga artistique et politique est passionnante.
