ROJO, de Benjamín Naishtat – 1h49
Avec Dario Grandinetti, Andrea Frigerio, Alfredo Castro
Sortie : mercredi 3 juillet 2019
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Argentine, 1975. Claudio, avocat réputé et notable local, mène une existence confortable, acceptant de fermer les yeux sur les pratiques du régime en place. Lors d’un dîner, il est violemment pris à parti par un inconnu et l’altercation vire au drame. Claudio fait en sorte d’étouffer l’affaire, sans se douter que cette décision va l’entraîner dans une spirale sans fin.
2 raisons d’aller voir ce film ?
Un polar politique. Situant l’action de son film dans l’Argentine des années 70, sous la coupe de la dictature, Benjamín Naishtat fait ressentir au plus près la paranoïa qui s’empare des classes sociales, l’atmosphère lourde où certains essaient de conserver les apparences du bien-être dans un pays en liberté plus que surveillée. Le cinéaste -dont la famille a connu persécution et exil – souligne : « Toute personne née dans les années 80 porte le poids de ce fardeau symbolique. »
À ce égard, Dario Grandinetti fait une composition d’une grande subtilité dans la peau de cet avocat confronté au mal et qui tente de sauver les apparences en préservant son statut social. Un avocat qui est capable de saisir toutes les occasions pour faire du profit et est prêt à passer sous silence tout ce qui peut le gêner dans cette démarche. La maison « pillée » dès le début du film en dit plus qu’un long discours sur l’état de l’Argentine dans ces années de plomb où la répression est à son comble. Et où les disparus, souvent torturés, furent monnaie courante.Une mise en scène nostalgique. Ce qui créé une atmosphère spécifique dans ce polar, c’est le travail soigneux sur l’image. Le travail du cinéaste et du directeur de la photographie Pedro Sotero permet de reconstituer le style cinématographique de l’époque en jouant sur une palette précise de couleurs. Benjamín Naishtat s’inscrit, de façon revendiquée, dans la tradition d’un Francis Ford Coppola ou encore Sidney Lumet en mettant le film de genre au service d’une histoire qui touche à la politique. Il conclue : « Derrière le polar, le film dresse le portrait d’une situation sociale et politique d’un pays où règne le silence et la complicité, aux heures sombres de son Histoire. »
Un polar très bien joué et prenant dans lequel les références à la vie rurale de l’Argentine n’a rien de folklorique mais témoigne aussi d’un pays figé dans son passé et des traditions d’une autre époque.

