Grande comédienne de théâtre, Edith Scob, l’actrice fétiche de Georges Franju, vient de disparaître à l’âge de 81 ans. Retour sur une carrière exemplaire.
Une silhouette fragile et des yeux d’un bleu saphir : Edith Scob a marqué le théâtre mais aussi le cinéma, grâce à la fascination qu’elle exerça sur Georges Franju qui la dirigea dans six films dont son chef d’œuvre, Les Yeux sans visage.
Descendante directe d’un Russe blanc, Édith Vladimirovna Scobeltzine était née le 21 octobre à Paris. L’un de ses grands-père était en effet général de l’armée impériale. Adolescente, elle se passionna pour le théâtre, une façon sans doute de s’émanciper de l’éducation de l’autre partie de sa famille, des protestants cévenols. Au hasard d’une rencontre, Georges Franju la remarque et confie à cette jeune femme de 22 ans le personnage d’une folle dans La Tête contre les murs.
Très vite, il récidive et lui confie un personnage fort des Yeux sans visage. Face à un chirurgien fou campé par le génial Pierre Brasseur, elle cache son visage derrière un masque et devient le fruit d’expérimentations criminelles d’un père qui l’a défigurée dans un accident de voiture et tente de réparer les traces du drame. L’adaptation du roman de Jean Redon la marquera à vie. Bien des années après, Edith Scob dira : « J’ai sans doute accepté trop souvent des choses directement inspirées des Yeux sans visage. »
Outre Franju, avec lequel elle continuera de travailler dans les années 60, Edith Scob promène son physique singulier dans des films marquants. Pour Luis Buñuel, elle joue la Vierge Marie dans La Voie Lactée, en 1969. Elle travaille encore pour Andrzej Zulawski dans La Fidélité ou encore pour Jacques RIvette dans Jeanne la pucelle.
Le monde du cinéma va mettre du temps pour saluer ce talent singulier : Edith Scob a reçu le César du meilleur second rôle féminin pour sa composition magnifique dans L’Heure d’été, d’Olivier Assayas où elle jouait la mère de Juliette Binoche, Charles Berling et Jérémie Renier.
Au théâtre, le tempérament de tragédienne de l’actrice a trouvé un terrain idéal d’expression et Edith Scob a joué sous la houlette de metteurs en scènes de renom : d’Antoine Vitez à Claude Régy. Au théâtre de l’Œuvre, en 2014, elle jouait encore la terrible Arsinoé du Misanthrope dans une mise en scène signée Michel Fau.
Actrice discrète mais à la personnalité marquée, Edith Scob aurait sans doute mérité de conquérir une notoriété plus grande. Elle est morte comme elle a vécu : avec une grande discrétion.
