QUAND BUÑUEL REPLONGEA DANS L’ESPAGNE PROFONDE

BUÑUEL APRÈS L’ÂGE D’OR, de Salvador Simo – 1h20

Film d’animation

Sortie : mercredi 19 juin 2019

Mon avis : 4 sur 5

Le pitch ?

Suite au scandale de la projection de L’Âge d’or,  à Paris en 1930, Luis Buñuel se retrouve totalement déprimé et désargenté. Un ticket gagnant de loterie, acheté par son ami le sculpteur Ramon Acin, va changer le cours des choses et permettre à Buñuel de réaliser le film Terre sans pain et de retrouver foi en son incroyable talent.

Ce qui touche dans ce film ?

Quand Luis Buñuel tourne le documentaire Terre sans pain, en 1933, il sort du scandale causé par la projection de L’Âge d’or au Studio 28 à Paris et qui l’a isolé de tous les producteurs du moment. Comme le montre très bien ce film d’animation, Buñuel a une grande confiance dans son talent, même si beaucoup de gens se détournent de lui. Le déclic va se produire quand, déprimé, il rentre dans son pays natal et retrouve son ami Ramón Acin, qui va, par miracle, gagner 150 000 pesetas lors du tirage du loto de Noël du 22 décembre 1932, une somme qu’il va offrir au cinéaste pour produire son nouveau film.

Un film en forme de documentaire tourné dans une des régions les plus pauvres et les plus sous-développées d’Espagne, Les Hurdes. Tournant en équipe réduite et avec des bouts de ficelle comme le montre très bien ce film d’animation, Luis Buñuel va signer une œuvre plus politique, sur la misère des paysans de cette région reculée, montrant notamment cette petite fille qui, par manque de médecin, meurt presque dans la rue. Ce n’est pas pour rien que la dictature de Franco interdira la projection de ce film en Espagne, trouvant qu’il donnait une vision trop négative du pays, jusqu’en 1976. Une dictature qui conduira à la mort l’ami fidèle et sa femme :  Buñuel donnera les droits du film à leurs filles.

Pour nourrir son scénario, Salvador Simó est venu à Paris recueillir le témoignage de son fils, Juan Luis. Il raconte :  « J’ai essayé de faire le portrait d’un artiste, pas celui du grand réalisateur que tout le monde connaît aujourd’hui, mais celui d’un jeune homme au début de sa carrière, quasiment inconnu, un type du nom de Luis tout simplement ».

Avec une mise en image qui mêle l’animation et des extraits du film original, Salvador Simó montre bien comment Buñuel est fasciné par la mort – la séquence de l’attaque de l’âne par les guêpes est saisissante – et comment il parvient à tourner malgré tous les pépins quotidiens. Sans jamais oublier ses premières amours surréalistes comme en témoignent certains rêves du cinéaste, transposés à l’écran.

Un très surprenant film d’animation qui passionnera cinéphiles et moins cinéphiles et propose un portrait plein de relief sur ce cinéaste en proie aux affres de la création.

Et pour mémoire, un extrait du film original

 

Tout pour la musique

Arturo Cardelús a composé pour ce film d’animation une musique émouvante s’inspirant de l’imaginaire de l’Espagne des années 30. Il avait déjà signe  la bande originale de In a Heartbeat ou encore Call Me Francis.

« Nous voulions une musique qui traduise les contradictions du personnage principal,Luis Buñuel —quelque chose d’un peu schizophrénique qui aille de l’atonal à la musique tonale conventionnelle, et de la comédie fellinienne aux sonorités minimalistes  » note le musicien. Avec cette bande originale des plus riches, Arturo Cardelús a remporté le prix de la meilleure musique originale du Festival de Malaga et du Festival d’Annecy 2019.

(*) Disque Milan Music

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