ÊTRE VIVANT ET LE SAVOIR, d’Alain Cavalier – 1h22
Documentaire avec Emmanuèle Bernheim, Alain Cavalier
Sortie : mercredi 5 juin 2019
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Emmanuèle Bernheim et Alain Cavalier sont liés par trente ans d’amitié. Ils préparent un film d’après le livre autobiographique de la romancière : Tout s’est bien passé. Elle y raconte comment son père lui a demandé » d’en finir » à la suite d’un accident cardio-vasculaire.
Cavalier lui propose de tenir son propre rôle et que lui, soit son père. Un matin d’hiver, Emmanuèle téléphone à Alain ; il faudra retarder le tournage jusqu’au printemps, elle est opérée d’urgence.
Ce qui touche dans ce doc ?
D’une certaine manière, le film d’Alain Cavalier peut renvoyer au Nick’s Movie, sorti en 1980, où Wim Wenders filmait les dernières semaines de la vie du grand cinéaste Nicholas Ray devenu son ami. La comparaison s’arrête là , même si la caméra a la même pudeur dans les deux cas, et Alain Cavalier a un style très particulier pour mettre en images sa relation amicale avec Emmanuèle Bernheim qui vit ses dernières semaines, en se mettant lui-même en scène comme double du père que la romancière a accompagner vers la mort. Un documentaire que l’auteure et amie n’a pas accepté d’emblée. Le cinéaste écrit : « Emmanuèle se raidit quand je lui propose d’être filmée à mes côtés, dans son propre rôle. Elle a ses raisons qu’elle tient en partie secrètes. L’acceptation vient avec le plaisir du travail : adapter tous les deux son livre, choisir ceux qui vont nous accompagner. »
Racontant d’une voix douce et posée cette amitié, captant le plus petit instant de vie – la séquence du pigeon recueilli chez lui est qui se regarde sur le grand écran est absolument magique – Alain Cavalier signe une cérémonie des adieux d’une grâce absolue. Cela pourrait être sinistre : c’est grave et pétri de la vie que le cinéaste filme au gré des instants.
Avec, en prime, un sens du cadre qui renvoie directement à la peinture moderne -mais pas que – et ces natures dites mortes. Jusqu’au terme de l’histoire, que l’on sait fatale, Alain Cavalier ne se départit jamais d’un ton léger, ce qui n’exclue pourtant jamais une émotion. Il y a notamment de nombreux plans qui disent la fascination du cinéaste pour des courges, devenant des personnages à part entière.
C’est sobre, beau et extrêmement émouvant. Un hymne discret à la vie où le moindre objet devient « parlant ». Un cinéaste qui est aussi un peintre de la vie.

