DANS L’ATELIER D’UN PÈRE

68, MON PÈRE ET LES CLOUS, de Samuel Bigiaoui – 1h24

Documentaire

Sortie : 1er mai 2019

Mon avis : 4 sur 5

Le pitch ?

Ouverte il y a trente ans, en plein Quartier latin, la quincaillerie de mon père est un haut lieu de sociabilité. C’est aussi l’ancien terrain de jeu de mon enfance. Bricomonge va fermer. À l’heure de l’inventaire et des comptes, j’accompagne mon père dans les derniers moments du magasin. Et je cherche à comprendre ce qui a amené le militant maoïste qu’il était dans les années 1960-1970, intellectuel diplômé, à vendre des clous.

Ce qui touche dans le doc ?

Il pourrait être le symbole du petit commerce parisien avec ses fins de mois difficiles, la concurrence des grandes enseignes de bricolage… Pourtant, la figure de Jean, le père de Samuel Bigiaoui, est bien plus que cela quand on le découvre dans ce film que lui consacre son fils, architecte, enseignant en mathématiques et réalisateur. Et qui a commencé à filmer Bricomonge dès 2006. « Je filmais pour nous, pour les employés, les clients, les amis de passage, pour les souvenirs, pour garder une trace comme quand on filme ses vacances ou sa famille. Je voulais capter un peu de l’essence de ce magasin de bricolage qui me fascinait », souligne le réalisateur. Quand son père annonce son désir de vendre l’enseigne en 2012, le lien affectif qui l’unit à ce lieu le pousse à affiner son projet et à en tirer un format documentaire plus abouti.


De fait,  le père du cinéaste n’est pas un pèlerin anonyme. Ancien militant maoïste de la Gauche prolétarienne, passé parfois par une action directe, comme il le raconte avec un vrai humour, ce père a décidé il y a quatre décennies d’ouvrir un commerce de bricolage. D’où le titre insolite du film. Commentaires de Samuel Bigiaoui : « Mai 68 renvoie aux idéaux, à une utopie, il évoque le désir de rêves communs d’une société. De l’autre côté, les clous. L’aspect prosaïque de la vie, ça appartient au monde matériel et pragmatique. La vie, c’est beaucoup de bricolage ! Et au milieu, cet homme en l’occurrence mon père qui a peut-être essayé de faire le lien entre les deux. Ce titre m’est apparu très tôt comme une évidence. »

Avec des lieux privilégiés pour la confidence – la réserve au sous-sol est celui où ce père charmeur parle le plus de son passé politique et de ses engagements – cette plongée dans le petit monde de Bricomonge où l’on croise aussi bien un ancien soldat soviétique qu’une actrice est une très beau portrait d’un témoin de son siècle, un solitaire engagé dans un parcours collectif. Comme le dit Daniel Weil, un vieil ami de Jean : « En 68, on était des marginaux et on l’est restés. Ça nous a mis en face de la possibilité et d’une impossibilité d’une action collective. »

Un doc aussi original qu’attachant et qui en dit bien plus qu’un simple portrait de famille. Original, fort et touchant !

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