L’ÉPOQUE, de Mathieu Bareyre – 1h34

Documentaire

Sortie : mercredi 17 avril 2019

Mon avis : 3 sur 5

Le pitch ?

Du Paris de l’après-Charlie aux élections présidentielles; une traversée nocturne aux côtés de jeunes qui ne dorment pas : leurs rêves, leurs cauchemars, l’ivresse, la douceur, l’ennui, les larmes, la teuf, le taf, les terrasses, les vitrines, les pavés, les parents, le désir, l’avenir, l’amnésie, 2015, 2016, 2017 : l’époque.

Ce qui est étonnant dans ce doc ?

Étrange documentaire que ce film qui dresse une photo sans complaisance d’une époque, la nôtre. L’idée est venue juste après les attentats de Charlie au réalisateur. Il raconte : « J’habitais près des évènements et comme beaucoup, j’ai vécu Charlie comme un moment de bascule, avec le sentiment inquiet qu’une nouvelle ère politique s’ouvrait. Les mois à venir s’annonçaient sombres et je n’avais pas du tout envie d’en être le spectateur impuissant. Je voulais trouver une manière de tout vivre de plain-pied. Plonger dans la nuit noire, avec l’espoir d’y trouver quelques lueurs. Quelques jours plus tard, j’ai trouvé le titre, L’époque, comme une question que je me posais et que je voulais poser aux autres. J’avais aussi en tête La Follia de Vivaldi, son énergie joyeuse traversée d’élans profondément mélancoliques. Je rêvais d’un film lyrique où des sentiments très opposés se succèderaient sans transition. »

En filmant en équipe réduite avec une caméra BlackMagic – «  elle produit une image numérique suffisamment douce pour capter la nuit et ouvrir tout son imaginaire » dit-il – Mathieu Bareyre a travaillé avec l’ingénieur du son Thibaut Dufait qui a fait des prouesses pour capter le souffle de la rue et des conversations piquées à chaud.

Arpentant les rues de Paris la nuit, deux années durant, le duo a arrêté son travail lors des dernières élections présidentielles qui ont marqué, il est vrai, une vraie rupture politique en France. Donnant la parole aux 18-25 ans, ils parviennent à montrer comment cette génération est en pleine recherche, s’interroge, malgré un horizon un brin barré. Pour ce faire, on les sent en attente de la rencontre qui fait mouche, du témoignage souvent inattendu. Mathieu Bareyre poursuit : « Nous étions à l’affût d’une véritable rencontre de cinéma, avec l’intuition que la personne choisie pouvait accepter ce contrat-là ou ressentait peut-être même le besoin d’être filmée. Si le désir n’est pas des deux côtés, rien ne peut advenir. »

Un des atouts de leur documentaire, c’est de donner la parole à tous les milieux sociaux, même si, parfois, un témoignage peut sembler banal. En donnant à voir les émotions, en ne cherchant pas à guider ou donner des réponses, L’Époque montre bien le chaos de la période que nous vivons Avec des personnages forts comme Soall, la D.J. ou Sarah qui évoque sa peur de la solitude. Sans oublier Rose, figure centrale du récit, qui dit la fracture qu’elle ressent avec la société française.

Sans s’en douter, L’Époque préfigure la crise qui va éclore avec le mouvement des Gilets jaunes…