AGNÈS VARDA : UNE VOIX LIBRE S’EST TUE…

Disparue à l’âge de 90 ans, la cinéaste, photographe et plasticienne (entre autres) Agnès Varda a marqué de sa griffe le cinéma et fait figure de pionnières de la Nouvelle Vague. Retour sur images.

Sa dernière apparition sur grand écran remonte à 2017 quand,  en compagnie de l’artiste JR, elle présentait un film sans programme établi, au gré des rencontres et au plus près des gens : ce fut Visages Villages (2017),son avant-dernier dernier long-métrage. Le dernier, Varda par Agnès, présenté à la dernière Berlinale , n’est pas encore sorti.

 

 

Agnès Varda, c’était une voix, un style et une dégaine. Et avant toute chose, une femme inspirée et inspirante. Libre. Dès 1962, elle faisait partie de la bande de la Nouvelle Vague qui allait donner un sacré coup de jeune au cinéma  avec un film comme Cléo de 5 à 7 . Née Arlette Varda le 30 mai 1928 à Ixelles, en Belgique, Agnès Varda fut, il est vrai, une des rares figures féminines (avec Nelly Kaplan) de ce mouvement qui balaya le cinéma de papa, même si certains de leurs critiques virulents furent parfois injustes envers leurs anciens. Bien sûr, elle forma avec Jacques Demy, disparu en 1990, un couple mythique de réalisateurs. Mêlant leur vie à la fiction, ils signèrent ainsi en duo quelques œuvres demeurées marquantes : par exemple, elle réalisa en 1991,  Jacquot de Nantes, tirés des souvenirs d’enfance de son mari  avec lequel elle eut Mathieu, qui poursuit une carrière de comédien et cinéaste.

Il ne faut jamais oublier non plus qu’Agnès Varda vint au cinéma par la photo, elle qui avait étudié la photographie à l’Ecole des beaux-arts, et l’histoire de l’art à l’école du Louvre. Un an après la création du Festival d’Avignon en 1947, elle y débarqua avec son matériel photographique. En 1951, le maître des lieux lui demande de devenir la photographe du Festival ce qui lui permis d’immortaliser les monstres sacrés de la scène, tel Gérard Philipe. Elle continuera sur cette lancée avec le Théâtre national populaire (TNP) de Villeurbanne, encore dirigé par Jean Vilar.

En 1955, elle préfigurait les défis de la Nouvelle Vague avec un film tourné à Sète et qui racontait les tensions conjugales d’un couple de Parisiens, campés par Silvia Monfort et Philippe Noiret. Elle avait expliqué ainsi sa manière de tourner :  « En 1954, j’étais photographe au TNP et je connaissais peu le cinéma. Il me semblait alors que beaucoup de “révolutions littéraires” n’avaient pas leur équivalent à l’écran. Aussi me suis-je inspirée, pour mes recherches, de Faulkner, de Brecht, essayant de briser la construction du récit, de trouver un ton à la fois objectif et subjectif, de laisser au spectateur sa liberté de jugement et de participation. »

Cinéaste artisanale, Agnès Varda n’a jamais oublié ses objectifs premiers, quitte à connaître certains ratages (Les Cent et une nuits de Simon Cinéma) sans pour autant se décourager ou se renier. Ce fut aussi une femme libre et donc engagée qui en 1976 signait avec L’une chante, l’autre pas, une comédie musicale racontant l’émancipation des femmes à la fin des années 60. Lui rendant aujourd’hui hommage, Valérie Mairesse a déclaré : « C’est Agnès qui m’a appris le féminisme. Un féminisme joyeux qui me correspond et jamais plus ne me quittera. »

L’annonce de sa disparition a provoqué une vague d’hommages, y compris à Hollywood. On se souvient qu’en 2017, elle avait reçu un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Deux ans après la Palme d’honneur au Festival de Cannes où elle fut la première femme à recevoir ce prix attribué à un grand réalisateur.

Le clap de fin dans la vie d’Agnès Varda nous prive désormais du franc parler de l’artiste. Ses œuvres sont là pour nous le rappeler au quotidien…

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