LA CACOPHONIE DU DONBASS, de Igor Minaev – 1h10
Documentaire
Sortie : mercredi 27 mars 2019
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
À l’aide d’archives de films documentaires et de fiction, ce documentaire analyse la construction du mythe du Donbass. Le sujet du film explore deux niveaux. Le premier est la vie quotidienne vue par par la propagande soviétique, et le Donbass comme vitrine idéologique. Le second est la vie réelle, cachée des regards inquisiteurs. Le film utilise des images d’archive et des entretiens d’habitants du Donbass, témoins puis victimes de l’agression russe. De ce qui devait être une symphonie de bonheur et de bien-être, ne sont restées que déception et manipulation. La symphonie du Donbass est devenue la cacophonie du Donbass.
Igor Minaev est parti d’un film culte de l’époque soviétique, La Symphonie du Donbass, de Dziga Vertov – un film cinématographiquement, sorti en 1930, passionnant et dont Charlie Chaplin fit l’éloge. Falsifiant la réalité, Vertov créa créait le mythe d’un nouveau monde. Revenant dans ce passé, Igor Minaev montre l’envers du décor dans cette célèbre région minière de l’Ukraine en racontant notamment comment, avec la fin de l’URSS, ce « grenier » à ouvriers a pris la crise en plein visage.
Ce qui est passionnant dans ce documentaire, c’est de découvrir les nombreux films de propagande commentées et qui montrent comment l’endoctrinement fut total pendant des décennies en ce qui concerne le miracle du Donbass. Commentaires du cinéaste : « Les films d’archives, les documentaires ou les films d’actualité de cette époque étaient entièrement mis en scène en vue de présenter la vie des mineurs sous le jour le plus enviable et de l’embellir. La censure n’autorisait pas la représentation de la vraie vie et les archives nous présentent une réalité parallèle, complètement artificielle. Donc, notre but était de décrypter ce qui se cache derrières ces images lisses et propres. »
Igor Minaev revient par exemple sur le symbole d’un ouvrier Alekseï Stakhanov qui aurait extrait 102 tonnes de charbon en six heures, environ quatorze fois le quota demandé à chaque mineur : ce qui s’avéra être finalement une immense supercherie.Montrant bien comment le Donbass est un mélange hétéroclite -longtemps, la région n’a pas connu de conflit ethnique – le cinéaste décrit aussi comment depuis l’accession de l’Ukraine à l’indépendance en 1991, les différences nationales ont été exacerbées par la Russie selon la fameuse maxime : diviser pour mieux régner. La question alors peut se poser de l’équilibre des témoignages qui montrent comment les séparatistes ont pu terrifier les populations. Notamment dans la toute dernière partie de ce documentaire marqué pourtant par des moments surréalistes et d’un ironie totale comme la séquence magnifique où les mineurs se travestissent à l’heure du décrassage. Ultime pied de nez aux mensonges de l’Histoire et aux souffrances de ce peuple.
Pour autant, Igor Minaev montre bien comment, au fil des années, les idées continuent d’opprimer les populations. Il dit : « L’idéologie valorise la haine et impose le mensonge à la place de la vérité. » Un document tout à fait original et bourré d’enseignements.


