EN SOUVENIR DE DOMINIQUE LAFFIN

Il a fallu des années à Clémentine Autain pour ouvrir le coffre de la mémoire et évoquer sa mère, Dominique Laffin, une actrice flamboyante,  morte brutalement à trente-trois ans en 1985. Avec Dites-lui que je l’aime (*), elle réussit un miracle d’écriture pour évoquer des souvenirs pesants.

Mourir à 33 ans ! Dominique Laffin fut une actrice à la fulgurante carrière et au parcours autodestructeur. Pour pouvoir évoquer cette mère qui n’en fut pas vraiment une, qui l’aima tout en la délaissant, il a fallu du temps à Clémentine Autain.

Il a fallu se réconcilier avec une partie de son passé, comme elle le raconte avec une pudeur infinie dans Dites-lui que je l’aime,  ce récit court et nerveux. Une sorte de journal du souvenir, d’un parcours à la redécouverte d’une mère si souvent absente. « Si j’ai chassé les souvenirs, c’est sans doute parce que seuls les plus sombres s’invitaient dans ma tête« , écrit Clémentine Autain.

Il y a des moments poignants dans ce livre comme celui de ce Noël chez des amis en Suisse où la petite Clémentine se retrouve seule parmi les autres. Elle se souvient : « Le lieu était chaleureux, de grandes baies vitrées donnaient sur la campagne enneigée. Noël. La famille. Tout ça. Mais tu es partie dans la journée du 24, pour rejoindre un amoureux je crois. Au milieu d’enfants joyeux et d’illuminations, de papiers cadeaux et de rires aux éclats, j’ai ravalé mon amertume avec ds guimauves au chocolat. » Il y a aussi d’autres parenthèses cruelles, mais éclairantes, comme l’évocation de ce grand-père qui fonda avec Jean-Marie Le Pen. « Un militant de l’OAS et député d’extrême droite en guise de grand-père, je préfère ne pas y penser. Mais, aujourd’hui, je pense à toi, sa fille. »

Au fil de cette enquête sur sa mère, en mêlant les souvenirs vécus à des rencontres avec des intimes de sa mère – celle avec Jacques Doillon est riche en enseignement – Clémentine Autain apprend à faire la paix avec une mère qui n’en fut pas vraiment eu, noyant son désarroi au fond de la bouteille et des amours passagères. Sans doute aussi parce qu’elle est sensible aux interrogations de ses enfants qui veulent connaître un peu ce fantôme du souvenir.

Ce qui est aussi particulièrement touchant dans ce récit intime c’est que, finalement, en redécouvrant cette maman, Clémentine Autain semble « mieux » se connaître. Elle peut alors ouvrir avec sa ville  la malle qui se trouve dans sa cave et qui renferme la mémoire de Dominique Laffin. Elle écrit : « Je prends ce carton avec un petit tas de papiers, carnets et photos qui traînent dans la malle. Et nous remontons, fièrement, en ricanant. Comme si on faisait un casse. »

Avec ce travail de la mémoire, cette quête sur les raisons de vivre (ou de ne pas vivre) d’une actrice au parcours semblable à celui d’un Dewaere, Clémentine Autain signe un récit d’une grande force où la brutalité du souvenir permet de renouer avec un passé qui vous construit malgré tout… « Peut-être avais-je surtout l’angoisse qu’en m’identifiant à cette mère défaillante, en assumant la filiation, en te ressemblant, je chute comme toi. J’ai préféré me raconter des histoires, te déformer, nous séparer. Pas instinct de survie », écrit-elle.

Ces souvenirs d’une enfant de la balle – elle évoque aussi avec une plume tendre la figure de son père chanteur – ne manque ni de courage, ni de classe…

(*) Ed. Grasset

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