RÉSISTANTES, de Fatima Sissani – 1h16
Documentaire
Sortie : mercredi 20 mars 2019
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Regard croisé de trois femmes engagées au côté du FLN sur la colonisation et la guerre d’indépendance algérienne. Elles connaîtront la clandestinité, la prison, la torture, l’hôpital psychiatrique. C’est au crépuscule de leur vie qu’elles choisissent de témoigner, après des décennies de silence.
Avec clarté , elles racontent l’Algérie coloniale, la ségrégation, le racisme, l’antisémitisme, la prison, la torture, les solidarités, la liberté et aussi la nature qui ressource, les paysages qui apaisent, la musique et la poésie qui permettent l’échappée…
Ce qui touche dans ce doc ?
La modestie de ces femmes de conviction. Fatima Sissani a passé trois ans à filmer ces femmes qui ont décidé de raconter leur engagement durant la guerre d’Algérie. Et, en premier lieu, Eveline Lavalette dont la personnalité forte marque ce récit de bout en bout, et qui est morte un an après le tournage. Évoquant cette figure marquante, Fatima Sissani raconte : « J’ai d’abord découvert une personnalité : une femme de 86 ans, libre et sans concession, d’une droiture exemplaire. Une femme qui ne plaisantait pas avec l’Histoire, l’engagement, la politique. Elle pouvait être intransigeante, voire cassante lors- qu’ elle n’était pas d’accord avec vous ou considérait que vous disiez des inepties. Mais son humour, décapant, fin et tranchant comme une scie bien aiguisée apportait souvent à
l’histoire qu’elle nous racontait la légèreté qui lui manquait. Il y avait aussi sa grande générosité, celle avec laquelle elle avait adopté à bras le corps, instinctivement, sans réserve le combat pour l’indépendance de l’Algérie. »
C’est ce qui donne aussi une plus grande force à ses silences comme lorsqu’Eveline Lavalette refuse, pudique et digne, d’évoquer le quotidien de la torture. En revanche, son témoignage sur son internement est accablant pour un psychiatre qui, après la fin de la guerre, a poursuivi une belle carrière à Marseille. Et qui a tenté de briser bien des combattantes du FLNLa force d’un engagement. Avec les autres témoignages – celui de l’étonnante Zoulikha Bekaddour, détenue en même temps qu’elle et qui évoque, non sans humour, la solidarité des militantes communistes en prison, et celui de la psychanalyste Alice Cherki – la réalisatrice parvient à faire revivre toute la période coloniale et les tensions d’une société qui dansait sur un volcan. Elle montre aussi comment les colons français méprisaient souvent les autochtones. Sans parler de l’antisémitisme ambiant.En transmettant ces histoires, en faisant parler des femmes qui, jusqu’ici pensaient, comme le dit Eveline Lavalette, qu’elles ne voyaient « pas l’intérêt de raconter quelque chose » – Fatima Sissani raconte, à travers ces résistantes des moments oubliés du conflit algérien. Et rend hommage à ces femmes éprises de liberté et qui ont gardé, malgré les atteintes du temps et certaines désillusions, leur énergie intacte. Une leçon de convictions et de courage.
