SINGAPOUR : L’ENVERS DU DÉCOR

LES ÉTENDUES IMAGINAIRES, de Siew Hua Yeo – 1h35

Avec Xiaoyi, Peter Yu, Jack Tan

Sortie : mercredi 6 mars 2019

Mon avis : 4 sur 5

Le pitch ?

Singapour gagne chaque année plusieurs mètres sur l’océan en important des tonnes de sable des pays voisins – ainsi que de la main d’œuvre bon marché. Dans un chantier d’aménagement du littoral, l’inspecteur de police Lok enquête sur la disparition d’un ouvrier chinois, Wang, jusqu’alors chargé de transporter des ouvriers. Après des jours de recherches, toutes les pistes amènent Lok dans un mystérieux cybercafé nocturne.

Et alors ?

Périodiquement, le cinéma asiatique nous offre des films austères et forts qui , s’appuyant sur un genre, décortique tout un pan de la société, non sans montrer au passage ce qui la gangrène. C’est ici le cas avec  le Chinois Siew Hua Yeo qui décrit, à travers la quête d’un inspecteur de police marqué et à la démarche fatiguée comment l’aménagement du littoral de SIngapour est prétexte à bien des magouilles et autres coups bas.

En suivant les errances nocturnes de Wang, ce travailleur immigré blessé qui oublie ses insomnies en trainant dans un cybercafé anonyme et glauque où il espère y trouver une relation, quand il ne joue pas à un jeu vidéo de castagne, en filmant aussi l’inspecteur en train d’enquêter sur sa disparition, Siew Hua Yeo montre comment Singapour, ce temple du libéralisme mondialisé, fait peu de cas de sa main d’œuvre étrangère.

Filmant magnifiquement de nuit comme de jour le cadre oppressant du cybercafé comme le site industriel d’extension sur la mer,  faisant évoluer certains personnages dans l’univers d’acier de quais déserts, Siew Hua Yeo nous plonge dans une société bétonnée et industrielle où les personnages évoluent dans un cadre aussi anonyme et déshumanisé que possible. Commentaires du cinéaste : “En tant que terre d’immigration, la démographie à Singapour dépend totalement de sa politique sur l’immigration et d’enjeux économiques. De nouveaux migrants sont acceptés uniquement pour renouveler l’imagination de ce miracle économique – une histoire de réussite, construite sur le dos de travailleurs issus de pays d’Asie, mal payés, embauchés pour aider à construire une nation dont ils ne feront jamais partie.

Fort, parfois violent, ce polar social en dit long sur la face cachée du miracle asiatique.

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