Pour tourner Grâce à Dieu, une fiction sur le drame de la pédophilie dans l’Église, qui sort (normalement) mercredi sur les écrans, François Ozon a dû vaincre bien des résistances. Retour sur un tournage et quelques polémiques.
Grâce à Dieu est directement inspiré d’un des plus grands scandales français : 80 jeunes garçons ont été abusés par un prêtre du diocèse lyonnais dans les années 1980-1990. L’histoire ? Alexandre vit à Lyon avec sa femme et ses enfants. Un jour, il découvre par hasard que le prêtre qui a abusé de lui aux scouts officie toujours auprès d’enfants. Il se lance alors dans un combat, très vite rejoint par François et Emmanuel, également victimes du prêtre, pour « libérer leur parole » sur ce qu’ils ont subi. Mais les répercussions et conséquences de ces aveux ne
laisseront personne indemne.
Avec ce sujet plus que délicat, François Ozon tourne, une fois de plus, sur un thème fort et qui, dès l’annonce de sa sortie, a suscité la polémique. De fait, son film traite du silence de l’Eglise et s’inspire de l’affaire du père Preynat, mis en examen en 2016 et placé sous contrôle judiciaire pour des agressions sexuelles remontant jusqu’à 1986.
Cette fois, le cinéaste a dû batailler ferme pour monter son projet. Certains partenaires financiers n’ont pas adhéré au projet comme Canal +. Tourné sous le nom de code de Alexandre, tous les intérieurs des églises ont été filmés en Belgique et au Luxembourg. Tourner dans le diocèse Lyon même était pari impossible car il aurait fallu demander l’autorisation au cardinal Barbarin, lui-même accusé d’avoir fermé les yeux sur ces agissements.
Au départ, François Ozon pensait tourner un documentaire sur les victimes, mais il a changé d’avis en chemin. Au micro de Ouest-France, il disait : « J’ai d’abord rencontré Alexandre Dussot-Herez, qui, le premier a porté plainte, puis d’autres victimes. Il m’a donné accès à beaucoup d’informations, m’a tout raconté, j’ai été très touché. Ces hommes sont héroïques et parviennent à faire bouger les lignes. Ma première idée était de réaliser un documentaire. Eux avaient déjà beaucoup témoigné, ils en avaient un peu marre de montrer leur tête… J’ai choisi la fiction. »
Porté par un casting solide – un habitué de ses films, Melvil Poupaud, Denis Ménochet ou encore Swann Arlaud – Grâce à Dieu ne peut que susciter réflexion et débat. Si le
film sort bien mercredi car l’avocat du père Preynat veut empêcher cette sortie qui porterait « atteinte à la présomption d’innocence » de son client qui a pourtant reconnu les faits. L’avocat voudrait suspendre la sortie du film jusqu’à la décision de son procès.
Maître Benoît Goulesque-Monaux, un des deux avocats du producteur Mandarin cinéma et du distributeur Mars Film, a précisé que le procès du père Preynat n’étais « pas le sujet du film » et qu’un carton a été inséré dans le générique pour dire que le père « n’a pas été jugé et que dans l’attente de son procès, il bénéficie de cette présomption d’innocence. »
Le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a indiqué vendredi que sa décision serait connue « lundi à partir de 16 heures ». On saura vite si Grâce à Dieu est la dernière victime du système d’omerta à la lyonnaise. Pour l’instant, le film marque les esprits loin de la France : François Ozon a reçu le Grand prix du jury le 16 février au festival de Berlin. « Je ne sais pas si le cinéma peut changer le monde mais je suis sûr qu’il peut nous aider à mieux comprendre« , a-t-il dit après avoir reçu son trophée.
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La nouvelle est tombée lundi 18 dans l’après-midi. La justice a refusé de reporter la sortie du film de François Ozon. Aux spectateurs maintenant de trancher…
