LA VÉRITÉ SUR LES CRIMES DE FRANCO

LE SILENCE DES AUTRES, de Almudena Carracedo et Robert Bahar – 1h35

Documentaire

Sortie : mercredi 13 février 2019

Mon avis : 4 sur 5

Le pitch ?

1977. Deux ans après la mort de Franco, dans l’urgence de la transition démocratique, l’Espagne vote la loi d’amnistie générale qui libère les prisonniers politiques, mais interdit également le jugement des crimes franquistes. Les exactions commises sous la dictature et jusque dans les années 1980 (disparitions, exécutions sommaires, vols de bébés, torture) sont alors passées sous silence.
Mais depuis quelques années, des citoyens espagnols, rescapés du Franquisme, saisissent la justice à 10.000 kilomètres des crimes commis, en Argentine, pour rompre ce « pacte de l’oubli » et faire condamner les coupables.

Ce qui touche dans ce documentaire ?

Pour Almudena Carracedo et Robert Bahar, tout a commencé en 2010. A cette date, soulignent-ils, « l’histoire des « enfants volés » en Espagne est sortie au grand jour (ces enfants qui ont été volés aux parents et confiés à des familles « bien pensantes » : NDLR). L’histoire de ces crimes, qui trouvent leurs racines aux premières heures du franquisme, nous a poussés à explorer la question de la marginalisation et du silence des victimes du franquisme, allant des exécutions sommaires de la fin de la guerre civile espagnole aux actes de torture qui eurent lieu aussi récemment qu’en 1975. »

Filmant pendant plusieurs mois, ces seniors et ces vieillards qui veulent qu’éclate enfin la vérité, Almudena Carracedo et Robert Bahar montrent bien de quel courage et de quelle opiniâtreté ils doivent faire preuve pour parvenir à faire la lumière sur ces « crimes contre l’humanité. »

Six ans et 450 heures de rushes ont été nécessaires pour mener à bien ce documentaire aussi passionnant que poignant, produit par la société de production des frères Almodóvar. C’est la présence de cette octogénaire devant la fosse commune où elle peut enfin faire son deuil en regardant le squelette de son père abattu par les soldats franquistes et jetés, à la va-vite, avec vingt autres « rouges » dans la fosse commune d’un cimetière qui était encore, il y a quelques décennies, interdits aux visites des familles. C’est ce castillan solide qui témoigne, des larmes dans la voix, comment il a été torturé par les services secrets de Franco. Ou cette vieille femme à la voix cassée qui va glisser le bouquet du souvenir, le long d’une route, en souvenir de sa mère qui a été enterrée dans une fosse commune aujourd’hui recouverte par le goudron de la voie rapide.

Un travail de mémoire et de réconciliation nationale qui est d’autant plus difficile aujourd’hui que le Parti Populaire, principal parti de droite, et son prédécesseur, Alianza Popular, ont été fondés par un ancien ministre de Franco. Il faut toute l’énergie de la juge argentine, qui gère le dossier des plaignants, pour permettre à ce combat de continuer. Non sans difficulté car, comme le soulignent les deux réalisateurs, le tribunal qui gère le dossier, l’Audiencia Nacional, a « publié, il y a quelques années, une circulaire qui reste en vigueur, qui interdit aux procureurs d’entendre les témoins mais aussi les accusés. »

En tout cas, ce documentaire de combat a le mérite de briser le mur du silence. Et permet, a contrario, de se demander pourquoi, en France, ce travail sur la mémoire concernant le tabou de la guerre d’Algérie notamment n’a pas encore été fait…

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