THE RAFT, de Marcus Lindeen – 1h37
Avec la voix de Daniel Giménez Cacho
Sortie : mercredi 13 février 2019
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
1973, six femmes et cinq hommes sillonnent l’océan Atlantique pendant
101 jours. Ils sont les cobayes d’une expérience scientifique visant à étudier les origines de la violence et l’attraction sexuelle. Quarante-cinq ans après, les survivants reviennent sur cette aventure hors du commun.
Ce qui touche dans ce doc ?
Avec ce documentaire, on plonge dans les années 70 et le climat d’interrogations politiques et sociologiques de post-68 et on redécouvre une aventure oubliée. En fait, l’expédition l’Acali (La Maison sur l’eau) proposait une coexistence forcée menée par six femmes et cinq hommes et conduites par Santiago Genovès, un anthropologue mexicain qui s’interrogeait sur les mécanismes de l’agressivité et de l’attraction sexuelle dans la droite ligné des expériences menées à Milgram et Stanford et s’interrogeant sur l’étude de la violence.
Sur l’Acali – un radeau de 12 mètres sur 7 – vont vivre durant trois mois des jeunes cobayes que tout oppose, qui seront privés de toute intimité et seront filmés, durant la traversée de l’Atlantique des Canaries jusqu’au Mexique, dans ce laboratoire flottant. Une forme d’ancêtre de la télé-réalité, mais qui a du sens et offre une photographie saisissante des relations humaines.
Pour reconstituer cette odyssée, Marcus Lindeen a eu une idée astucieuse : entrecouper les images d’archives, souvent étonnantes et retrouvées miraculeusement par le réalisateur, par le témoignage des six survivants, réunis le temps d’un tournage sur une maquette et copie conforme du radeau, reconstruit en studio. Pour expliquer ce choix, le réalisateur souligne : « Reconstruire le radeau en studio avait du sens, parce que cela offrait aux participant.e.s une sorte de « théâtre de la mémoire », qui les aider à raviver et reconvoquer le passé. Pour moi, en tant que réalisateur, cela me donnait aussi de nouvelles possibilités de scènes, d’espaces et de mouvement dans la narration. »
Au fil des semaines, on voit comment, à travers la lecture du journal de bord de Santiago Genovès, l’expérience se retourne contre son créateur qui finit par saborder le protocole scientifique et par sombrer dans une forme de délire mégalomaniaque, voulant même devenir le Pacha.
Nourri de témoignages aussi collectifs qu’intimes (des petits riens de la vie quotidienne à des analyse psychologiques plus fines), The Raft est un film saisissant qui montre les limites de certains rêves scientifiques. Ainsi, la capitaine du radeau, Maria Björnstam – 34 ans à l’époque, elle fut la première femme au monde à devenir capitaine au long cours – avait écrit un journal de bord, tenu longtemps secret : sur la première page, figure un message codé qui signifie : « Je ne veux pas que qui que ce soit se serve de mon âme pour de sales expériences. » Cela en dit long sur l’atmosphère qui put régner durant cette traversée unique.

