LONG WAY HOME, de Jordana Spiro – 1h27
Avec Dominique Fishback, Tatum Marilyn Hall
Sortie : mercredi 13 février 2019
Mon avis : 3 sur 5
Le pitch ?
A sa sortie de prison, Angel, 18 ans, retrouve sa jeune sœur Abby dans sa famille d’accueil à Philadelphie. Malgré leur profonde complicité, le drame qui les a séparées a laissé des traces. Avant de tourner la page, Angel sait qu’elle doit se confronter au passé et convainc Abby de l’accompagner dans son périple. Ensemble, elles prennent la route, sans mesurer ce que va provoquer chez elles ce retour aux sources.
On ne peut être que bluffé par la performance des deux jeunes actrices de ce film qui raconte l’errance des deux sœurs pour se retrouver après des années noires. Commentaires de Jordana Spiro qui signe ici son premier long métrage après avoir été comédienne pendant une décennie : « C’est une histoire sur la possibilité de redécouverte et du pouvoir d’une connexion honnête entre êtres humains. Nous avons tous en nous une part d’obscurité, d’innocence enfantine, de peur de la perte, de besoin de survie mais surtout d’amour. » En filmant les retrouvailles de ces deux sœurs qui essaient de retrouver une vie normale en retournant voir leur père qui a retrouvé la vie civile après avoir été emprisonné suite au meurtre de leur mère, Jordana Spiro donne à voir une autre Amérique, celle des petites gens, des laissés-pour-compte.Et on sent une grande justesse dans la manière de raconter le quotidien d’une jeune black qui sort d’une prison pour mineur et doit régulièrement rendre des comptes aux autorités. « À partir du moment où j’ai pris la décision de situer mon film dans cette communauté et ce milieu, je voulais m’entourer d’une personne capable de parler de cette expérience. Dans mon pays, ces minorités sont sous-représentées ou mal représentées. J’ai donc travaillé avec Angelica Nwandu, spécialiste de la culture noire, qui a co-scénarisé le film, » souligne Jordana Spiro.
Dans cette espèce de parenthèse pour aller retrouver le père et voir la mer, les deux comédiennes trouvent le ton et le tempo juste pour dire ce quotidien, exprimer à la fois un amour de vivre et un malaise certain. Présente dans The Deuce, une série HBO, Dominique Fishback est tout à fait étonnante dans le rôle d’Angel, un personnage qui conserve une certaine fraicheur malgré la violence dont elle peut être capable et qui glisse vers une marginalisation certaine. La réalisatrice l’avait rencontrée sur le tournage d’une série. Elle poursuit : « Je l’aidais, dans cet épisode, à donner naissance à son enfant ! Pendant le « travail », je me suis dit qu’elle était douée. Elle est l’auteure d’un show dans lequel elle incarne 22 personnages différents. Je suis allée voir son spectacle et j’ai été soufflée par son talent et sa force. Sa sensibilité et son caractère introverti m’ont séduite. Elle combinait toutes les qualités que je recherchais. »
Avec la mer en contrepoint de cette courte errance et la séquence symbolique du bain de mer « amniotique » entre les deux sœurs, cette quête d’un père (qui habite à nouveau dans la maison familiale où il a tué son épouse) exprime toute la violence d’une relation familiale névrotique où les blessures n’en finissent pas de s’ouvrir. Filmé au plus près des personnages, ce film nous plonge dans l’intimité de ces deux sœurs sans tomber dans la caricature propre souvent à la description de personnages marginaux. Un premier film qui ne manque pas d’audace et une réalisatrice désormais à suivre.

