SORRY TO BOTHER YOU, de Boots Riley – 1h45
Avec Lakeith Stanfield, Tessa Thompson, Armie Hammer
Sortie : mercredi 30 janvier 2019
Mon avis : 3 sur 5
Après avoir décroché un boulot de vendeur en télémarketing, Cassius Green bascule dans un univers macabre en découvrant une méthode magique pour gagner beaucoup d’argent. Tandis que sa carrière décolle, ses amis et collègues se mobilisent contre l’exploitation dont ils s’estiment victimes au sein de l’entreprise. Mais Cassius se laisse fasciner par son patron cocaïnomane qui lui propose un salaire au-delà de ses espérances les plus folles…
Et alors ?
Charge rageuse contre le capitalisme moderne et le libéralisme 2.0, Sorry To Bother You débute sur un rythme solide, passée la bande annonce qui cartonne musicalement. Toute la première partie de cette comédie fantastique, destinée en priorité au public des ados, est une dénonciation à la tronçonneuse de la société uberisée où l’individu doit se fondre dans la masse et travailler plus pour… au mieux survivre.
Lakeith Stanfield et Tessa Thompson forment ce couple tonique qui essaie de s’en sortir par tous les moyens et vit dans un appartement improvisé dans le garage d’un oncle qui court après le fric. “C’est une histoire puissante dans laquelle chacun peut se reconnaître”, déclare Lakeith Stanfield. “Cassius Green représente tous ceux qui ont envie de progresser et de changer de vie pour eux-mêmes ou pour leur famille. Au départ, gagner de l’argent lui procure un sentiment de liberté, car ça lui donne la possibilité d’accomplir des choses qu’il n’a jamais faites auparavant. Mais comme bien souvent, il est bientôt aveuglé par l’appât du gain et l’ambition et il perd de vue ce qui compte le plus pour lui”.
En se moquant de la logique de l’appât du gain, avec une description sans fard des centres d’appel, cette comédie réussit son coup en nous montrant comment ce jeune noir parvient à se faire une place dans un open-space de télémarketing où il essaie de parler plus blanc que… blanc. L’idée de la mise en scène quand il se retrouve devant un client potentiel est une belle trouvaille. Tout comme la séquence où son collègue Langston (Danny Glover) lui donne des tuyaux pour moduler ses interventions téléphoniques.
Là où cette comédie à gros trait perd de son rythme et de son attrait, c’est dans la deuxième partie, celle où Cassius Green bascule dans l’étage du fric, des journées non stop de travail et des rails de coke à la suite. Soudain, l’histoire tourne en rond et les délires surréalistes d’un patron qui ne pense qu’au pognon tombent un peu comme un cheveu dans la soupe. Même si Armie Hammer joue avec une belle conviction ce style de boss, hautain et sûr de lui, que l’on aime détester. “Armie avait l’étoffe pour jouer ce personnage parce que c’est un garçon populaire. Les gens l’aiment comme ils aiment Steve Jobs, ou l’image qu’ils se font de Steve Jobs”, souligne Boots Riley.
Si l’histoire est terrible dans le fond, politiquement engagée et joue bien sur le registre clownesque ou hénaurme – la scène du happening dans la galerie d’art vaut le détour – la fin de l’opus perd son spectateur dans une surenchère. En jouant sur bien des registres, cette comédie fantastique finit alors par devenir quand même bancale.



