ANOTHER DAY OF LIFE, de Raúl de la Fuente et Damien Nenow – 1h25
Adapté du livre de Ryszard Kapuściński
Sortie : mercredi 23 janvier 2018
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Varsovie, 1975. Ryszard Kapuściński (43 ans) est un brillant journaliste, chevronné et idéaliste. C’est un fervent défenseur des causes perdues et des révolutions. À l’agence de presse polonaise, il convainc ses supérieurs de l’envoyer en Angola. Le pays bascule dans une guerre civile sanglante à l’aube de son indépendance. Kapuscinski s’embarque alors dans un voyage suicidaire au cœur du conflit. Il assiste une fois de plus à la dure réalité de la guerre et se découvre un sentiment d’impuissance. L’Angola le changera à jamais : parti journaliste de Pologne, il en revient écrivain.
2 raisons d’aller voir ce film ?
L’évocation d’un grand reporter. Disparu en 2007, Ryszard Kapuściński reste une grande figure du journalisme contemporain et l’ouvrage dont est tiré le film a marqué des générations de reporter tant l’homme s’y met à nu montrant comment, correspondant de guerre au cœur d’un Angola 
déchiré par la guerre civile, il continue de travailler en prenant tous les risques pour témoigner de la réalité tragique dans laquelle le pays plonge.
Et c’est le mot de « confusão » (le désordre total) qui sert de fil directeur à son reportage. Kapuściński écrivait à l’époque : « On n’arrête pas l’état de « confusão » d’un seul coup, il ne peut par être rectifié d’un battement de cil. Ceux qui veulent remédier à la situation sont illico victimes de cet état. Mieux vaut la patience et le calme. Après un moment, la « confusão » s’affaiblit et disparaît définitivement, nous laissant épuisés mais satisfaits d’avoir survécu. Le temps de retrouver nos forces pour la prochaine offensive. »
Durant ses reportages en Angola, Kapuściński exprima bien le dilemme du reporter de guerre : comment rendre objectivement un tel conflit ? Un journaliste doit-il s’impliquer et prendre parti, sans barguigner, pour un camp ? En décrivant le parcours du journaliste seul dans ce pays dévasté par la guerre civile, et aussi par le truchement de certains interviews avec des acteurs de l’époque, tel le commandante Farrusco, soldat portugais déserteur et qui passa du côté des angolais se battant pour l’indépendance, Raúl de la Fuente et Damien Nenow nous font vivre au plus près les combats de ce grand reporter qui a couvert huit guerres et failli être exécuté à plusieurs reprises.
Une réalisation originale. Devant la pénurie d’images d’un pays en temps de guerre, Raúl de la Fuente et Damien Nenow ont opté pour un mélange audacieux entre 60 minutes d’animation et 20 minutes de prises de vues réelles. Les réalisateurs tiennent à préciser : « Mais nous n’illustrons pas le livre. Dans le film, nous rencontrons les gens que Kapuściński décrit dans le livre. Certains ont réellement existé, d’autres sont de pure invention. Les intrigues sont inspirées du livre et de faits réels mais aussi fictionnelles. Tout cela construit cette histoire originale. »
Cette approche multiple et hybride, avec, en prime, quelques séquences surréalistes de rêve (ou de cauchemars plutôt), est assez bluffante et donne parfois l’illusion d’une réalité plus forte que… le réel. Et ce film d’animation construit avec des acteurs au sein du studio de Motion capture permet aussi de rendre hommage à ces angolais qui ont perdu la vie – telle Carlotta- pour défendre l’indépendance d’un pays qui sortait de décennies de colonisation portugaise.
Un film passionnant et le portrait d’un grand reporter à une époque du numérique où le journalisme d’investigation et de terrain est tout simplement à réinventer.
