LE MAÎTRE ET LE NUMÉRIQUE

NEVER ENDING MAN YAYAO MIYAZAKI, de Kaku Arakawa -1h10

Documentaire

Sortie : mercredi 2 janvier 2019

Mon avis : 4 sur 5

Le pitch ?

Le réalisateur Kaku Arakawa a suivi pendant deux ans le Studio Ghibli et Hayao Miyazaki après l’arrêt de leur activité, avec une complicité et une délicatesse qui lui ont permis de montrer le maître de l’animation japonaise tel qu’on ne l’a jamais vu. En 2013, à l’âge de 72 ans, Hayao Miyazaki, réalisateur oscarisé au sommet de sa gloire, surprend tout le monde par l’annonce soudaine de son départ à la retraite. Très vite, malgré cette décision, le maître a du mal à réfréner sa passion de toujours pour la création. Il se remet donc, dans la solitude d’un Studio Ghibli désormais réduit à sa quintessence, à explorer de nouvelles idées. Pour la première fois d’une longue carrière dédiée à l’animation traditionnelle, il s’interroge sur l’usage des nouvelles technologies.

Ce qui touche dans ce film ?

Kaku Arakawa réussit un scoop, mais en douceur : filmer le vieux maître  qui a accepté – et c’est exceptionnel – de se faire suivre par une caméra  pendant deux ans par un réalisateur. Cinéaste discret, il finit par presque faire « oublier » la caméra  à Hayao Miyazaki alors en pleine réflexion sur son nouveau film : Boro la Chenille. La qualité sonore parfois moyenne montre bien que Kaku Arakawa a saisi des instants en toute intimité et sans une équipe lourde. Il souligne : « Ça n’a pas été évident. Dès notre première rencontre, il m’a dit qu’il ne voulait pas de moi à ses côtés en tant que réalisateur de documentaires. Je ne devais pas être là pour travailler, mais pour discuter, et si je voulais prendre des images, il fallait que ce soit fait discrètement. Je me suis donc retrouvé dans une position un peu bancale, qui était presque celle d’un stagiaire venu en observation au studio Ghibli. »

Le résultat est passionnant car l’on voit comment le vieux cinéaste reste un passionné par son art, alors même qu’il avait annoncé son intention de prendre sa retraite. Un crayon en main comme devant un écran d’ordinateur, manipulé par de jeunes virtuoses du numérique, Hayao Miyazaki fait montre d’une exigence sans faille avec un sens du détail stupéfiant. Petit à petit, on voit comment naît son univers, comment il peut passer des minutes pour augmenter les poils de la chenille ou revoir l’articulation de son cou. Et on mesure aussi comment il sait, derrière une apparence sévère, voire austère, rester ouvert à la jeunesse. Commentaires de Kaku Arakawa : « Cette image de père Fouettard qu’il se donne est une carapace. C’est un hypersensible, qui s’attache beaucoup aux gens comme à ses personnages. Qu’ils soient bons ou mauvais d’ailleurs. »

Ce doc est aussi l’occasion de montrer le choc entre le film d’animation à l’ancienne et ceux du futur grâce à la séquence passionnante ou le vieux maître assiste à une présentation de dessins d’animation créés par des ordinateurs et l’intelligence artificielle. Et quand sa colère éclate, froidement, c’est le cri d’un humaniste qui n’aime pas ce nouveau monde où la froideur remplace l’émotion et où la jeune génération a imaginé des espèces de mutants aux membres atrophiés. « Il a considéré ces images comme de la pure moquerie face au handicap« , dit son ami cinéaste.

Film testamentaire sur un grand maître de l’animation toujours pétillant de vie, ce doc est un vrai régal et un témoignage unique sur les coulisses de la création d’un maître du cinéma d’animation.

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