LES CONFINS DU MONDE, de Guillaume Nicloux – 1h43
Avec Gaspard Ulliel, Guillaume Gouix, Lang-Khê Tran, Gérard Depardieu
Sortie : mercredi 5 décembre 2018
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Indochine, 1945.
Robert Tassen, jeune militaire français, est le seul survivant d’un massacre dans lequel son frère et sa belle sœur ont péri sous ses yeux.
Aveuglé par sa vengeance, Robert s’engage dans une quête solitaire et secrète à la recherche des assassins. Mais sa rencontre avec Maï, une jeune Indochinoise, va bouleverser ses certitudes.
Loin des traditionnelles histoires sur la guerre d’Indochine, Guillaume Nicloux a choisi pour ce nouveau film une époque trouble, aux contours flous : celle de 1945 et 1946 au moment où, de Gaulle voulant récupérer l’Indochine, le Japon qui occupait alors le Tonkin riposte violemment contre les garnisons françaises. Après Hiroshima, quand les Japonais se retirent, les indépendantistes vietnamiens ont commencé à entreprendre la reconquête de leur pays.
C’est dans ce cadre que se déroule l’aventure du soldat Robert Tassen, hanté par le massacre de son frère et de son épouse, et alors qu’il a lui-même échappé à la tuerie et a réussi à s’échapper de la fosse commune alors qu’il n’était que blessé. Filmant la guerre et cette guérilla sourde de façon très crue – les corps sont démembrés, les trophées provoquent un écœurement – Guillaume Nicloux ne propose pas un énième opus sur la guerre d’Indochine mais un drame presque ontologique.Porté par une photographie magnifique signée David Ungaro, avec une musique originale oppressante, œuvre de Shannon Wright, Les Confins du monde décrit la guerre à travers le regard halluciné du soldat Tassen. Au fil des séquences, Guillaume Nicloux signe un univers qui peut rappeler celui de Lord Jim ou de Ténèbres, de Conrad (le colonel Vo Binh ressemble à son colonel Kurtz dont l’absence est terriblement présente).
Gaspar Ulliel, qui interprète avec finesse ce soldat perdu, souligne : « Guillaume est particulier, on ne sait jamais réellement ce qu’il pense. Ce n’est pas quelqu’un qui donne des clefs : il déteste rentrer dans la psychologie des personnages. On fait davantage confiance à l’inconscient, aux rêves, à l’illusion, aux symboles qu’à une psychologie triviale. J’aime l’idée qu’il ne sait pas à l’avance et que l’on ne peut jamais rien anticiper. »
Filmant magnifiquement les paysages asiatiques, Guillaume Nicloux raconte une étrange quête en
forme de réflexion métaphysique. Un récit marqué de la présence d’un Gérard Depardieu qui surgit de temps en temps dans cette histoire de solitudes et de guerre, le seul qui semble comprendre le soldat Tassen : un écrivain dévoré lui-aussi par la jungle et l’humidité et qui semble comprendre le combat des Vietnamiens pour leur indépendance. Et qui promène sa lourde silhouette en apportant avec lui un livre : Les Confessions, de Saint Augustin, autobiographie d’un homme racontant sa quête de Dieu.
Au delà du bien et du mal, l’interrogation portée par Les Confins du monde est une vision hallucinée d’une époque oubliée à travers un conflit sanglant. Avec des soldats perdus dans une jungle qui rend possible tous les retournements et plonge aussi les acteurs de ce drame dans une folie douce…

