JULIETTE BINOCHE : ERRANCES AMOUREUSES AU JAPON

VOYAGE À YOSHINO, de Naomi Kawase – 1h49

Avec Juliette Binoche, Masatoshi Nagase

Sortie : mercredi 28 novembre

Mon avis : 3 sur 5

Le pitch ?

Jeanne part pour le Japon, à la recherche d’une plante médicinale rare. Lors de ce voyage, elle fait la connaissance de Tomo, un garde forestier, qui l’accompagne dans sa quête et la guide sur les traces de son passé. Il y a vingt ans, dans la forêt de Yoshino, Jeanne a vécu son premier amour.

Et alors ?

Célébrée à la Cinémathèque de Paris et au Centre Pompidou à Paris par une exposition qui lui est consacrée – et ce, dans le cadre de l’opération d’envergure Japonismes 2018 – , Naomi Kawaze, première Japonaise à avoir rejoint le jury au Festival de Cannes, signe ici une histoire en forme de retour à ses racines : elle a tourné cette errance amoureuse tout près de sa ville natale, Nara. Elle souligne : « Je suis très attachée à cette ville et j’ai à cœur d’en transmettre la culture et les richesses historiques. Nara est une ville exceptionnelle et tout autour rayonne une nature très inspirante. »

En suivant le voyage de Jeanne, qui retrouve un paysage cher à ses souvenirs, la réalisatrice célèbre avec grâce le pouvoir de la nature et le charme mystérieux de la forêt aussi magnifique que protectrice.

Avec une mise en scène qui semble arrêter momentanément le temps pour faire ressentir au plus près les émotions des protagonistes, Naomi Kawaze a voulu redonner du temps au temps. Elle souligne : « Pendant le développement du film, j’ai beaucoup marché, j‘ai parcouru les sentiers qui mènent au Mont Yoshino. Des chemins ancestraux, marqués par le passage du temps. Les gens y récoltaient des plantes médicinales et la végétation y était dense. Après la guerre, un mode de vie occidental est apparu et le quotidien des Japonais s’est transformé. Les routes ont été goudronnées, des tunnels creusés, les gens n’ont plus eu besoin de traverser chaque village à pied, ils ont pu voyager plus loin et plus facilement. Alors, les liens traditionnels de proximité se sont distendus, et même les familles ont fini par ne plus vivre ensemble sur la même terre. Je ne redoute pas le changement, mais il est important de ne pas oublier ce qui existait autrefois. »

Film sans nul doute « écologique » – la mise en scène  lumineuse de Naomi Kawaze restitue la majesté de ce décor – Voyage à Yoshino est un bel écrin pour Juliette Binoche qui, une fois encore, parvient à exprimer mille nuances d’émotion dans ce récit d’un voyage aux sources. Parlant de sa rencontre avec l’actrice, dont le nom lui fut soufflé par sa productrice Marianne Slot, la réalisatrice japonaise raconte comment le courant est vite passée entre elles : « L’imaginer évoluer dans un village perdu au cœur de la montagne japonaise m’inspirait. J’avais le pressentiment que, même si je lui en disais peu sur son rôle, il suffisait qu’elle vienne à Nara pour que tout se mette en place naturellement. En tant que mères, que femmes et que consœurs dans le monde du cinéma, nous avions beaucoup en commun et partagions un même ressenti. »

Face à elle, Masatoshi Nagase joue avec grâce ce garde forestier qui parle peu et passe de longues heures dans la montagne en compagnie de son chien. « Il s’est entraîné physiquement pour ce rôle et, accompagné d’un chien qui partageait son existence, il est réellement parti vivre en reclus dans les bois« , raconte t-elle.

Si le film touche particulièrement avec la rencontre entre Jeanne et ce garde forestier, dans cette relation à huit clos avec la forêt pour témoin, avec la présence de la vieille femme aveugle,  il est moins convaincant dans les parties plus oniriques et l’évocation du mystérieux jeune homme campé par Takanori Iwata, un performer membre d’un groupe de danse célèbre au Japon. Comme si la réalité avait plus de force que ces rêves éveillés.

Une réalisatrice célébrée à Paris

Naomi Kawase sera à l’honneur d’une rétrospective. Outre une rétrospective de ses films, elle proposera, pour la première fois, des installations, au Centre Pompidou à Paris, en même temps que le cinéaste catalan, Isaki Lacuesta. Parmi les installations proposées par la cinéaste, dont le parcours est déjà riche de près de cinquante courts et longs métrages, The Moon Alley et Screens of Memories sont inspirés par sa région natale, Nara, également au cœur de la plupart de ses films. Des œuvres qui seront proposées au public jusqu’au 6 janvier 2019.

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