TROIS PETITS RÊVES, de Chapour Haghighat – 1h36
Avec Ourban Sabir, Siyvush Abdulloev, Zaubrek Abdulloev, Shadi Saleh
Sortie : mercredi 21 novembre 2018
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
A Doshan, une petite ville du nord-est de l’Iran, les habitants se réjouissent de recevoir en grande pompe Aghâ, un haut dignitaire religieux qui doit venir de Téhéran. Trois enfants, Bâbak, Latif et Djâvid, collègues dans une boulangerie, ont eu des rêves étranges, la nuit précédant le début des festivités. Ils se les racontent et découvrent, très surpris, que chacun a vu le meurtre de Abbâs – un artiste peintre marginal – par le pasdar, chef des gardiens de la révolution…
2 raisons d’y aller ?
Un conte poétique et politique. À travers les témoignages de ces trois enfants, Chapour Haghighat livre une histoire aux profondes résonances politiques. De fait, par l’entremise de ces trois adolescents, confrontés au monde des adultes, le cinéaste dresse un portrait sans fard d’une société gangrénée par l’intégrisme religieux et dans laquelle l’hypocrisie sociale tient lieu de passeport de bonne conduite. Ainsi, alors qu’il semble vouloir faire régner les bonnes mœurs dans ce village perdu dans les montagnes iraniennes, le gardien de la révolution mène une vie qui n’a rien d’exemplaire comme le montre la scène très ironique où il montre des images de femmes nues à un dignitaire religieux ou quand il lui offre un verre de vin frais. De même, on conseille à Abbâs, le peintre marginal, de rester calfeutré chez lui, et « en tirant les rideaux », le temps de la visite de Aghâ, ce haut dignitaire religieux. Et les commentaires des deux religieux quand il découvre la reproduction du tableau de Vinci faut le détour tant ils semblent ridicules.
Une réalisation déliée. Jouant sur plusieurs registres – du fait divers à des séquences d’humour – Chapour Haghighat signe un film qui, malgré le contexte politique lourd, ne plombe pas l’atmosphère. En installant au cœur de son histoire l’image d’Abbâs, ce peintre rebelle, il fait de cet opposant à l’obscurantisme, même si son destin est tragique, le symbole de ceux qui se battent pour la liberté. Le temps d’une chanson au bord du ruisseau quand le gardien de la révolution s’isole après son meurtre, Chapour Haghighat sait dénoncer sans faire un film tract. Ainsi la séquence où les deux religieux évoquent la force expressive du tableau de Vinci en dit long sur l’hypocrisie régnante. Ou la figure récurrente du seul « juif » du village et qui est l’objet de toutes les vindictes alors qu’il n’est qu’un paisible violoniste du dimanche.
Fin directeur d’acteurs, Chapour Haghighat sait aussi mettre au service de son récit une bande de comédiens d’un jour. « Je travaille essentiellement avec des acteurs non professionnels qui à travers leur jeu et leurs maladresses donnent un aspect plus réel au récit et l’éloigne d’un artifice trop théâtral. La simplicité de ces acteurs me touche beaucoup et ajoute à la simplicité et au minimalisme de mon film« , souligne le réalisateur.
D’une grande beauté visuelle, construit sur des plans séquences, ce conte de l’Iran moderne offre une histoire d’une grande force…
