L’AMOUR NE CONNAÎT PAS LE FROID…

AGA, de Milko Lazarov – 1h32

Avec Mikhail Aprosimov, Feodosia Ivanova

Sortie : mercredi 21 novembre 2018

Mon avis : 4 sur 5

Le pitch ?

La cinquantaine, Nanouk et Sedna vivent harmonieusement le quotidien traditionnel d’un couple de Iakoutes. Jour après jour, le rythme séculaire qui ordonnait leur vie et celle de leurs ancêtres vacille.
Nanouk et Sedna vont devoir se confronter à un nouveau monde qui leur est inconnu.

Ce qui touche dans ce film ?

Grand Prix du festival de Cabourg 2018, Aga, deuxième film du cinéaste bulgare Milko Lazarov, part sur les traces des grands récits d’aventures pour nous conter une touchante histoire d’amour entre deux quinquagénaires vivant au cœur des paysages majestueux et austères en Iakoutie. Profitant des paysages magnifiques dans des plans où se mêlent le ciel et la terre dans une atmosphère poétique subtile, Milko Lazarov filme plusieurs histoires dans le film, en jouant même sur deux contes ponctuant le récit mélancolique de ces deux êtres dont l’amour se passe de grands discours, mais garde une vraie intensité, même si la fin est peut-être proche.

Lorgnant incontestablement vers Nanouk l’Esquimau, le classique de Robert Flaherty, avec une frontière parfois ténue entre fiction et documentaire, Aga est un conte métaphysique qui se joue de symboles. Par exemple, cette tache noire d’huile dans la neige qui sera suivie d’une tache de sang rouge dans la suite du récit et qui fait écho à la plaie noire que Sedna tente de soigner sur ventre. Propos de Milko Lazarov : « Ces symboles représentent la destruction de la vie de « Nanouk ». J’ai moi-même une personnalité un peu sombre et ce sentiment d’apocalypse m’accompagne au quotidien.  » 

Outre la belle histoire d’amour  sans pathos- un seul plan du visage en pleurs de la fille du couple en dit plus qu’un long discours – Aga est aussi un conte qui oppose la modernité et ses dangers à un ordre immuable rythmé par les saisons, mais dont on sent qu’il est voué à la disparition. Symboliquement, les avions qui passent dans le ciel immaculé, la route qui creuse la glace et surtout la séquence finale – splendide – dans la mine de diamants à ciel ouvert, sont autant de signes de la « modernité ».

Outre la qualité des images signées Kaloyan Bozhilov, outre le jeu splendide des deux acteurs principaux, ce film est aussi porté par la musique originale qui accompagne cette tranche de vie mélancolique.  Outre La 5ème Symphonie, de Mahler, c’est Penka Kouneva qui a signé cette partition présente, mais sans jamais être envahissante. « La bande originale diffuse effectivement une mélancolie sourde qui coïncide avec le sentiment de déliquescence générale« , dit Milko Lazarov.

Parce qu’il peut aussi bien évoquer les dérives industrielles que nous faire partager le quotidien des gens du grand nord ou nous raconter un amour qui se passe de mots, parce que la mise en scène est vraiment soignée, Aga nous touche au cœur.

 

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