SAMOUNI ROAD, de Stefano Savona – 2h08
Documentaire.
Directeur artistique de l’animation : Simone Massi
Sortie : mercredi 7 novembre 2018
Mon avis : 3 sur 5
Le pitch ?
Dans la périphérie rurale de la ville de Gaza, la famille Samouni s’apprête à célébrer un mariage. C’est la première fête depuis la dernière guerre. Amal, Fouad, leurs frères et leurs cousins ont perdu leurs parents, leurs maisons et leurs oliviers. Le quartier où ils habitent est en reconstruction. Ils replantent des arbres et labourent les champs, mais une tâche plus difficile encore incombe à ces jeunes survivants : reconstruire leur propre mémoire. Au fil de leurs souvenirs, Samouni Road dresse un portrait de cette famille avant, pendant et après l’événement qui a changé leur vie à jamais.
Ce qui touche dans ce doc ?
Œil d’or du meilleur documentaire au dernier Festival de Cannes, Samouni Road est un documentaire engagé d’un cinéaste né à Palerme et qui avait déjà tourné en 2009, à Gaza, Plomb durci, composé d’images tournées sur place durant la guerre éclair menée par l’armée israélienne dans l’enclave palestinienne et qui avait une ambition : rompre l’embargo sur les images imposé par les autorités israéliennes.
C’est dans ce cadre qu’il a croisé la route de la famille Samouni, « une communauté de paysans jusque-là épargnée par soixante ans de conflits et d’occupation, et confrontée pour la première fois à une tragédie sans précédent » : durant l’invasion, vingt-neuf de ses membres – des femmes et des enfants pour la plupart – ont été tués par des commandos d’élite.
Neuf ans plus tard, Stefano Savona a voulu sortir de la tragédie pure pour suivre le retour à la vie de cette famille meurtrie et qui tente de se reconstruire. « Je voulais redonner aux Samouni une existence longue, cesser de les ensevelir tous, les vivants et les morts, sous le poids de l’événement fatal. »
Alors, des travaux aux champs au jeu des enfants en passant par les séances de discussion, les visites des officiels palestiniens, Stefano Savona suit le quotidien de ces survivants qui contemplent le désastre mais vont de l’avant, malgré la peur, malgré la misère, tout en préparant un mariage qui leur offrira une parenthèse heureuse et dont la cérémonie sert de conclusion au documentaire.
Pour parvenir à montrer ce qu’il n’avait pas pu capter lors de son précédent séjour à Gaza, le cinéaste a choisi l’animation – très réussie – écrite à partir des témoignages des habitants mais aussi des documents israéliens. En croisant la route de Simone Massi, il a trouvé le créateur idéal pour compléter les vraies images. Il raconte : « Depuis de nombreuses années, il utilise la carte à gratter, ce procédé qui part d’une surface entièrement noire et, par une succession de traits, comme le burin en gravure, fait apparaître la lumière. Ses dessins ont un côté onirique mais ils sont visuellement très réalistes, très précis, ce qui permet de les raccorder à des prises de vue réelles. Simone travaille entièrement à la main, très lentement. Je crois que l’énorme quantité de temps et de gestes manuels incorporés dans chaque dessin donne aussi une dimension documentaire à ce qu’il réalise. »
Une chose est sûre : l’univers de Massi se marie avec bonheur avec les images réelles et donnent un supplément d’âme à ce récit, en évitant aussi sans doute des images d’une insoutenable cruauté. Parfois un répétitif dans les séquences, ce documentaire montre clairement comment la situation des habitants de Gaza semble inextricable entre le blocus israélien, les déchirements entre le Hamas et le Fatah. Et comment ils sont des candidats rêvés pour l’embrigadement religieux qui fait des ravages. Là bas comme ailleurs…


