IMPULSO, de Emilio Belmonte – 1H25
Documentaire
Sortie : mercredi 10 octobre 2018
Mon avis : 4 sur 5
Impulso raconte l’un des défis les plus étonnants de l’histoire du flamenco moderne : la création du nouveau spectacle de la danseuse et chorégraphe espagnole Rocío Molina pour le Théâtre National de Chaillot à Paris.
Premier Prix National de danse à l’âge de 26 ans et danseuse étoile mondialement reconnue à 30 ans, Rocío Molina repousse sans relâche les limites du Flamenco traditionnel. Preuve de sa modernité sans concession, ses improvisations (Impulsos) sont un exercice inédit. Impulso explore ce qui fait de Rocío Molina une danseuse hors norme, l’enfant terrible du flamenco moderne : la transgression systématique des règles, sa recherche permanente du point de rupture y compris avec son corps, et sa façon très personnelle
de questionner la condition féminine au XXIème siècle.
Ce qui fascine dans ce doc ?
En s’intéressant à Rocío Molina, Emilio Belmonte souhaitait filmer « la fracture fulgurante qui relie le beau et le tragique, la tradition flamenco et son renouveau ». Pour ce natif d’Andalousie où le flamenco a marqué son éducation artistique durant son enfance, Rocío Molina est fascinante par sa manière, et on le voit bien dans ce doc, de faire souffler un vent nouveau sur cette expression ancestrale. « Le monde flamenco est un concentré d’un monde riche de savoirs, avec des fenêtres fermées. Nous sommes quelques-uns à mettre la tête à la fenêtre » aime dire la danseuse qui marie son art à bien des disciplines, comme le montre la magnifique séquence où elle danse… en peignant le sol, comme dans une arène métaphysique.La force du documentaire d’Emilio Belmonte repose sur un savant dosage entre des séquences de danse – plutôt des éclairs tant le montage nerveux restitue bien l’urgence de créer de Rocío Molina – et celles où, entourée de sa garde rapprochée de musiciens, sa famille (le témoignage de sa mère est très touchant), elle travaille, travaille, travaille jusqu’au bout de son souffle. Avec une motivation principale : « J’adore par dessus tout explorer mes émotions. » Assistant de Marseille à Madrid en passant par Barclone à ses improvisations, et ce parfois dans des lieux improbables, on mesure à quel point ce perfectionnisme et ce travail permettent des miracles scéniques à cette jeune femme
de son temps. Une des séquences fortes du film, c’est la rencontre scénique entre Rocío Molina et une autre star du flamenco, Antonia Santiago Amador, dit la Chana, cette danseuse gitane née à Barcelone en 1946, et qui, le temps d’une danse « assise » partagée montre comment la flamenco « habite » ses interprètes jusqu’au plus profond de leur âme.
« Le flamenco, c’est le rythme à l’état pur » note Rocío Molina. Nous le détournons à notre manière. » Sans le trahir, sa manière à elle est véritablement révolutionnaire. Et cette artiste sait nous émouvoir par son implication totale dans cette danse ancestrale qu’elle redynamise.


