LA CUISINE EST UN SPORT DE COMBAT

TAZZEKA, de Jean-Philippe Gaud – 1h35

Avec Madi Belem, Ouidad Elma, Adama Diop, Olivier Sitruk, Abbes Zahmani

Sortie : mercredi 10 octobre 2018

Mon avis : 3 sur 5

Le pitch ?

Élevé par sa grand-mère qui lui transmet le goût et les secrets de la cuisine traditionnelle, Elias grandit au cœur d’un village marocain, Tazzeka. 
Quelques années plus tard, la rencontre avec un grand chef cuisinier parisien et l’irruption de la belle Salma dans son quotidien vont bouleverser sa vie et le décider à partir pour la France… A Paris, Elias fait l’expérience de la pauvreté et du travail précaire des immigrés clandestins. Il découvre aussi les saveurs de l’amitié grâce à Souleymane, qui saura raviver sa passion pour la cuisine.

Ce qui touche dans ce film ?

Traiter de l’immigration sans forcer le trait, ni plomber l’atmosphère : c’est le pari risqué de de Jean-Philippe Gaud qui évoque le thème à travers le parcours – pas toujours rose d’Elias, qui a un don pour la cuisine. Mais le pari est réussi et le film n’esquive aucun thème, tout en ne jetant pas un voile pudique sur la vie des immigrés dans la banlieue parisienne ou celle des jeunes dans les bleds perdus du Maroc. Commentaires du réalisateur : « Le pari du film était d’avoir un ancrage dans le réel sur un ton léger. La volonté de traiter ce sujet trouve ses racines dans l’incendie qui s’est produit dans le 9e arrondissement de Paris, en 2005, où étaient logées des familles africaines sans-papiers. Dix enfants y ont perdu la vie. L’un d’eux était dans la maternelle de mon fils, où j’avais tourné l’année précédente Au quotidien, un documentaire faisant le portrait de cette école dans le quartier de « la Goutte d’or ».

En jouant sur l’opposition entre la vie au Maroc, modeste, voire pauvre,  mais chaleureuse, et les errances d’Elias à Paris (avec le ramassage des ouvriers d’un jour au bord du périphérique par des patrons du bâtiment qui sont de vrais négriers), Jean-Philippe Gaud  fait bien ressentir la dureté de la vie de ces immigrés dont certains osent prétendre qu’ils viennent « profiter » du système français.

Une des idées vraiment originales est de glisser cette passion de la cuisine au cœur du scénario sans pour tomber dans l’invraisemblance. Ainsi, la rencontre fortuite d’Elias avec le chef étoilé va lui permettre d’accomplir son rêve, sans pour autant le faire embaucher par celui-ci. Tout comme la relation avec la jeune Salma ne vire pas à la romance gratuite et permet de dresser le portrait d’une jeune femme moderne.

Un film servi aussi par un casting choisi. Figure connue du cinéma, Abbes Zahmani joue parfaitement l’oncle protecteur en grande gueule d’Elias qu’incarne avec une grande justesse Madi Belem, que l’on avait repéré dans la série de Canal +, Le Baron noir. Évoquant ce premier rôle, le comédien souligne : « C’est l’une de mes expériences les plus enrichissantes. J’y ai mis le même amour que celui que Elias apporte à ses plats ».

Si la cuisine reste un sport de combat, elle offre ici au jeune Elias l’occasion de s’échapper de son milieu d’origine sans renier ses racines. C’est aussi indirectement un hommage à Joë Robuchon, célèbre chef disparu en août dernier.

 

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