UN JOURNALISTE HAPPÉ PAR LA GUERRE

CHRIS THE SWISS, de Anja Kofmel – 1h25

Documentaire et film d’animation

Sortie : mercredi 3 octobre 2018

Mon avis : 4 sur 5

Le pitch ?

Croatie, janvier 1992. En plein conflit yougoslave, Chris, jeune journaliste suisse, est retrouvé assassiné dans de mystérieuses circonstances. Il était vêtu de l’uniforme d’une milice étrangère. Anja Kofmel était sa cousine. Petite, elle admirait ce jeune homme ténébreux. Devenue adulte, elle décide d’enquêter pour découvrir ce qui s’est passé et comprendre l’implication réelle de Chris dans un conflit manipulé par des intérêts souvent inavoués.

Et alors ?

C’est à un travail de deuil que nous convie ce documentaire doublé d’un film d’animation qui confère à l’ensemble un caractère original. Et s’inscrit, visuellement, dans la lignée de Valse avec Bachir.

De fait, la réalisatrice Anja Kofmel a voulu rendre hommage à son cousin, journaliste, assassiné à Zagreb en 1992 alors qu’il couvrait la guerre civile en Yougoslavie. Elle  aborde ainsi un conflit majeur et aux racines complexes par le truchement d’une histoire personnelle qui a marqué à jamais son enfance. Pour ce faire, elle a opté pour un mélange de documentaire et de film d’animation, qui lui semblait le mieux correspondre à coller à ce drame. Elle souligne : « Je traite mes recherches et mes rencontres avec des témoins contemporains à la manière d’un documentaire classique, tandis que l’animation me permet d’interpréter l’histoire et de représenter, d’un point de vue subjectif, la cruauté et le désespoir associés à la guerre ».

Autant dire que l’aventure a pris un certain temps : la cinéaste a dû se battre sept ans pour mener à terme ce projet ambitieux. Anja Kofmel  ajoute : « La production a été difficile. C’était mon premier long-métrage depuis l’école, mon premier documentaire. Je n’avais jamais écrit de scénario auparavant. Beaucoup de nouveaux éléments sont arrivés en même temps. Qui plus est, durant la production, nous avons rencontré divers problèmes, dont la plupart n’étaient pas de notre fait, mais relevaient de circonstances extérieures et de questions politiques ». Ainsi, le nouveau gouvernement de la Croatie n’appréciait guère que Chris the Swiss traite de divers problèmes causés par la guerre.

 

De fait, en interviewant d’anciens compagnons de route de Chris –  des reporters de guerre comme Hedia Rinke, mais aussi des mercenaires, tels Alejandro Hernandes, avec lesquels Chris collabora – Anja Kofmel plonge et nous plonge dans les coulisses d’une sale guerre.

Le jour où Chris est passé de l’autre côté, s’est engagé dans un groupe paramilitaire, PIV, une section internationale dirigée par Eduardo Rózsa-Flores, un journaliste bolivien devenu chef de guerre, son destin était-il scellé ? En tout cas,  le documentaire montre bien comment l’Opus Dei, au nom de la défense du monde chrétien, a joué un jeu trouble dans la Croatie en guerre, finançant certains mercenaires.

N’oubliant pas sa vocation journalistique, Chris avait décidé d’écrire un livre, mais si sa cousine dispose aujourd’hui de ses cahiers de reporters, qui nourrissent son enquête, le reste de ses notes a disparu à jamais. Tout comme Eduardo Rózsa-Flores qui a fini tué dans sa Bolivie natale en avril 2009 et qui était suspecté de voir fomenter un attentat contre le président Evo Morales… Lui seul sans doute avait les clés de ce meurtre.

Objet étrange, complexe, comme le fut cette sale guerre en ex-Yougoslavie, où œuvraient de drôles de pèlerins, Chris the swiss met l’animation au service d’une recherche de la vérité et montre bien comment un reporter de guerre ne peut que jouer  sa vie à pile ou face s’il bascule de l’autre côté.

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