VAURIEN, de Mehdi Senoussi – 1h30
Avec Mehdi Senoussi, Karine Testa, Romane Bohringer, Carlo Brandt
Sortie : mercredi 19 septembre 2018
Mon avis 3 sur 5
Le pitch ?
Après cinq ans d’études supérieures, Red est toujours à la recherche d’un travail et lutte chaque jour contre l’exclusion. Lentement, il s’éloigne d’Anna, l’amour de sa vie. Suite à une lettre lui signifiant sa radiation, il se rend à l’Agence pour l’Emploi, où on lui refuse un rendez-vous. N’ayant plus rien à perdre, il prend alors en otage le personnel et le public.
Et alors ?
Bien des passeurs par la case mode emploi se reconnaîtront sans doute dans ce personnage de cadre qui n’en peut plus mais qui, lui, passe à l’acte. En montrant la mécanique infernale qui plonge le chômeur diplômé et, en prime, faisant partie de la minorité dite visible, dans la déprime, Vaurien décrit, à la manière d’un thriller avec un personnage principal arborant le dérisoire masque Anonymous, le ras-le-bol bureaucratique qui résonne particulièrement, même si le tournage ne date pas d’hier, dans ces époques « macroniennes ». Mehdi Senoussi souligne : « Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle entre le personnage de Redouane et ma propre expérience. Combien de personnes ont connu ces moments de doute ? Les nuits sont plus longues que les jours et les jours plus sombres que les nuits. Combien d’hommes et de femmes puisent au fond d’eux-mêmes la force de continuer à avancer, à se battre et ne pas céder ? Je me sens proche de cet homme. Je pourrais être lui ! Il peut être n’importe qui ! Demain, cela peut être vous ! Le chômage est au cœur de l’actualité.
Signe des temps, ce premier film engagé ne sort que dans une quarantaine de salles en France, les grands réseaux de distribution préférant sans doute miser sur les films de divertissement que de mettre un peu de sel sur les blessures béantes de la société française.
Vaurien n’est pas un « grand » film de cinéma, pénalisé par un montage parfois sinueux, des retours dans le passé un peu trop systématiques, des séquences de cauchemar parfois mal amenées. Sans oublier l’évocation de la maladie de l’animatrice( campée par Romane Bohringer portant le rôle de sa seule voix) et qui apporte une touche de pathos inutile à la dramaturgie. Pour autant, c’est un opus qui touche au cœur car le réalisateur a eu l’astuce, dans la tradition des comédies
italiennes, de glisser de l’humour, souvent noir, dans ce huit-clos social et de clore l’histoire par un rebondissement pas toujours vraisemblable mais porteur d’espoir.
Il est servi par une distribution juste et pas tapageuse : en chômeur ironique et revenu de tout, Carlo Brandt est impeccable avec son visage marqué et ses répliques qui claquent (du style « quant à prendre des risques, il n’a qu’à braquer une banque ») quand Steve Tran, plutôt découvert par des comédies, joue un geek perdu dans son monde et qui a l’air de découvrir la violence sociale.
Et puis, il y a le réalisme de certains moments qui fait mouche et touche le spectateur : les altercations entre Josiane, la vieille cadre de Pôle emploi et Madjid, le
beur diabétique; la veulerie du directeur de l’agence, campé par Jean-Michel Fête, qui s’écroule devant le preneur d’otage mais roule des mécaniques quand on l’interviewe après le dénouement de l’affaire…
Tout cela fait la force d’un film qui défend l’humain contre la mécanique administrative froide en mettant des visages et des moments de vie derrière les froides statistiques médiatisées. Anticipant certaines critiques, Mehdi Senoussi (ci-dessus à droite sur le plateau) a une formule juste : « Petit film, grande cause. » Il faut aller le voir aussi pour cette raison.
