MADEMOISELLE DE JONCQUIÈRES, d’Emmanuel Mouret – 1h49
Avec Cécile de France, Edouard Baer, Alice Isaaz, Natalie Dontcheva, Laure Calamy
Sortie : mercredi 12 septembre 2018
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Jeune veuve retirée du monde, Madame de La Pommeraye cède à la cour du marquis des Arcis, libertin notoire. Après quelques années d’un bonheur sans faille, elle découvre que le marquis s’est lassé de leur union. Follement amoureuse et terriblement blessée, elle décide de se venger de lui avec la complicité de Mademoiselle de Joncquières et de sa mère…
3 raisons d’aller voir ce film ?
Le premier film en costumes d’Emmanuel Mouret. Étrange défi d’Emmanuel Mouret pour son neuvième long-métrage que d’opter pour un film en costumes inspiré librement du récit conté par l’aubergiste dans Jacques le Fataliste, classique roman de Diderot et qui nous plonge au cœur du siècle des Lumières. Explications du cinéaste : « La modernité de cette histoire m’avait semblé saisissante, j’entends par là que ce qui est moderne est ce qui ne vieillit pas et traverse le temps. Les désirs, les sentiments, les élans, les conflits qui traversent les personnages et les questions que soulève le récit me semblent très contemporains. » De fait, les questions morales posées par ce texte demeure d’une grande modernité avec des personnages tiraillés entre l’amour sacré, des plaisirs plus libertins, la jalousie, la vengeance…
Un conte cruel du libertinage. Porté par un dialogue raffiné et pas désuet pour autant, cette histoire pourrait être une lointaine parente des Liaisons dangereuses, tant le plan ourdi par Madame de La Pommeraye est aussi efficace que cruel, même si, in fine, elle est, elle-même, prise à son jeu. Entre tous les protagonistes du film, il y a un mélange de raffinement et de brutalité dans les relations humaines et, rapidement, les coups les plus tordus sont permis dans une vie sociale aux apparences au demeurant si raffinées. Rancunière, Madame de La Pommeraye est capable de tous les excès pour faire payer ses blessures de cœur à son vieil ami, le marquis des Arcis. Et tout cela est ordonné et subi au nom de l’amour qui est le personnage central d’un récit qui ne porte pas de jugement mais ne peut que susciter la réflexion.
Un casting splendide. Cécile de France est éblouissante dans le rôle de cette aristocrate blessée et hantée par le temps qui passe. Alice Isaaz campe avec une totale justesse cette jeune fille, moins vierge qu’elle ne le joue et guidée dans le jeu de la séduction par une mère prête à tout pour faire oublier leur passé sulfureux commun. Quant à Edouard Baer, il semble fait pour cette époque, tant il parvient à faire passer une multitude de sentiments sur son visage et qui dit les mots empruntés à Diderot avec une justesse millimétrée. Ajoutée au roman de Diderot, l’amie sournoise de Madame de La Pommeraye apporte une touche de cruauté et de voyeurisme supplémentaire à l’histoire et Laure Calamy fait, une fois encore, une composition sans faille.
Avec ce nouveau film, Emmanuel Mouret signe un grand hommage au libertinage cher à l’aristocratie de l’époque. La photographie de Laurent Desmet est magnifique et restitue parfaitement l’atmosphère de ce temps perdu, tout comme les costumes d’un grand raffinement créés par Pierre-Jean Laroque. Ce retour en libertinage offre un des plus beaux films de la rentrée.



