Philosophe, écrivain, cinéaste, réalisateur de Shoah, LE documentaire sur l’extermination des Juifs d’Europe, Claude Lanzann vient de mourir. Il avait 92 ans.
Journaliste, directeur des Temps modernes, ami de Jean-Paul Sartre et compagnon de Simone de Beauvoir, Claude Lanzmann était un des grands témoins du siècle dernier et des blessures profondes qu’il engendra. Claude Lanzmann se définissait comme un combattant de la vérité. Récemment à un journaliste de l’AFP, il disait : « Si je suis irréductible, c’est par rapport à la vérité. Quand je regarde ce que j’ai fait au cours de ma vie, je crois que j’ai incarné la vérité. Je n’ai pas joué avec ça ».
Ayant passé sa vie à raconter l’histoire du XXe siècle, Claude Lanzmann a réussi la gageure avec son « monument », le film Shoah sorti en 1995, à raconter l’indicible et à interdire à certains salauds de prétendre que la disparition organisée des Juifs n’était qu’un point de détail. De fait, en neuf heures et demie, le film retrace minutieusement l’extermination des juifs par le régime nazi entre 1933 et 1945.
Lanzmann avait raconté en 2009 une vie pas commune dans Le Lièvre de Patagonie (Ed. Gallimard). Il évoquait dans des pages magnifiques la personne de Simone de Beauvoir et écrivait notamment : « Et Simone de
Beauvoir. Nous y voilà. J’ai aimé aussitôt le voile de sa voix, ses yeux bleus, la pureté de son visage et plus encore celle de ses narines » Sa liaison avec le Castor, qui dura sept ans fut marqué par un échange abondant de correspondance. 112 lettres « d’amour fou » que l’écrivain a vendu en début d’année, comme il l’avait annoncé, à l’université américaine de Yale pour les « rendre accessible » aux chercheurs. Il avait alors déclaré : « La prestigieuse université de Yale, possédant déjà des manuscrits de Simone de Beauvoir et des séminaires de moi, que j’avais tenus à Yale même, à partir de 1985, peut, à bon droit je crois, s’enorgueillir d’avoir acquis la totalité des lettres de Simone de Beauvoir à Claude Lanzmann, exceptionnelle correspondance d’amour unique au monde. »
Claude Lanzmann fut de tous les grands combats de l’après-guerre notamment en faveur des indépendances des pays colonisés et se montra
aussi un défenseur inconditionnel d’Israël – quitte à ne pas toujours avoir du recul avec le sujet- mais il voyait dans l’antisionisme « un des masques de l’antisémitisme ». Cet attachement profond à Israël s’exprima dans des films comme Pourquoi Israël ou Tsahal.`
Son dernier documentaire, Les Quatre Soeurs – des témoignages inédits de survivantes de l’Holocauste, qu’il n’avait pas inclus dans Shoah- vient de sortir sur grand écran. Il avait déclaré : « Je ne savais pas ce que je ferais de ces entretiens. Chacun de ces films mérite une œuvre en soi. J’ai rencontré ces femmes et j’ai trouvé que chacune était capable d’apporter un témoignage unique, extraordinaire. Les mettre dans Shoah, ça n’avait aucun sens. »
Jusqu’au bout, Claude Lanzmann avait décidé de ne jamais se taire et s’est battu toute sa vie pour nourrir notre mémoire commune.
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