CORNÉLIUS, LE MEUNIER HURLANT, de Yann Quellec – 1h47
Avec Bonaventure Gacon, Anaïs Demoustier, Gustave Kervern
Sortie : mercredi 2 mai 2018
Mon avis : 2 sur 5
Le pitch ?
Un beau jour, un village du bout du monde voit s’installer un mystérieux visiteur, Cornelius Bloom, qui aussitôt se lance dans la construction d’un moulin. D’abord bien accueilli, le nouveau meunier a malheureusement un défaut: toutes les nuits, il hurle à la lune, empêchant les villageois de dormir. Ces derniers n’ont alors plus qu’une idée en tête : le chasser. Mais Cornelius, soutenu par la belle Carmen, est prêt à tout pour défendre sa liberté et leur amour naissant.
Et alors ?
Yann Le Quellec n’a pas manqué d’audace pour son premier film en s’attaquant à l’adaptation d’un récit du monument de la littérature finnoise, Arto Paasilinna qui, de roman en roman, a su créé un univers décalé, parfois surréaliste où l’humour se teinte de noir pour brocarder la société contemporaine.
Chez le romancier, l’humour est grinçant comme dans Petits suicides entre amis, mais il se teinte souvent d’écologie. Pour sa défense, Paasilinna aime dire : « Les Finlandais ne sont pas pire que les autres, mais suffisamment mauvais pour que j’aie de quoi écrire jusqu’à la fin de mes jours. » Pour Yann Le Quellec, la découverte de Cornelius, le meunier hurlant fut un véritable déclic comme il le raconte : « J’ai lu ce livre il y a une dizaine d’années et depuis, l’envie d’adapter ce roman à l’écran ne m’a pas quitté. On y plonge dans un univers foisonnant, picaresque, d’une immense liberté. Et très drôle. Un humour doux amer et burlesque souvent grinçant, sur un fil, mais d’une grande humanité et dénué de cynisme. »
Il est vrai, le héros du livre, ou plutôt l’anti-héros, est ce meunier ivre de liberté qui se heurte en permanence au monde mais ne se résigne jamais quitte à être conduit dans un asile de fou, dont il va bien sûr s’évader car l’énergie d’un homme sans entraves qui n’a jamais renié la naïveté de l’enfant qu’il fut se moque des portes fermées et des camisoles.Pour camper ce Don Quichotte moderne, il fallait un acteur pas banal et le cinéaste a eu la main heureuse en optant pour Bonaventure Gacon, un comédien tout à fait extraordinaire, figure du cirque
vivant mais qui n’était pas vraiment un animal facile à capturer pour le cinéma. C’est chose faite dans ce film et le comédien impressionne par sa puissance, son agilité et son animalité. Face à lui, Anaïs Demoustier est rayonnante en jeune femme porteuse d’une grâce poétique et amoureuse des potagers.
Et pourtant, malheureusement, la sauce ne prend pas et, malgré une mise en scène enlevée, le moulin qui semble tout droit sorti de l’imagination de Léonard de Vinci, la beauté des décors naturels sauvages, il manque ici la petite musique folle de Paasilinna, une tendresse même face aux pires individus.
Certes, il y a des personnages hénaurmes, à la Jarry comme celui du docteur alcoolique et vociférant campé par Denis Lavant, mais qui en fait des tonnes cette fois; d’autres qui sont familiers de l’univers d’un Jean-Pierre Mocky et pourtant, il manque à l’ensemble l’insolence, la démesure d’un Bertrand Blier pour nous faire basculer dans la troisième dimension chère à Paasilinna. Le texte est bel et bien respecté mais est bien terne sur grand écran.
