Les « oubliés » de 68

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68, SOUS LES PAVÉS, LES FLICS, de David Korn-Brzoza

Documentaire – 1h40

Diffusion, sur France 3, lundi 30 avril, 20h55

A contre-courant des documentaires consacrés au printemps de mai 68, celui de David Korn-Brzoza voit les évènements du côté des forces de l’ordre. De fait, en ce printemps historique, face aux manifestants qui rêvaient de plage sous les pavés, se dressaient policiers, CRS et gendarmes, souvent oubliés des récits de ces événements.

Avec ce doc, David Korn-Brzoza répare cet oubli en donnant la parole à des membres des forces de l’ordre qui reviennent, au temps de la retraite, sur ce mois qui a bouleversé la France. Et pourtant, lors de ses vœux traditionnels, le général De Gaulle, encore président de la République, avait salué « avec sérénité » l’année qui débutait. Il ne se doutait pas que le mois de mai allait devenir une date mythique de l’histoire de France…

A écouter les témoignages de ces anciens CRS et autres policiers, on mesure comment, face à l’escalade de la violence urbaine, le pays a failli basculer sans notamment l’attitude du préfet de police de Paris (de 1966 à 1971) Maurice Grimaud, qui fit tout pour éviter le pire. Quitte à s’opposer au plus fervent soutien du pouvoir en place et au général De Gaulle lui-même, un temps dépassé par l’ampleur de la révolte.

Outre les témoignages attendus – « une charge de CRS, c’est un rouleau compresseur » note un acteur des forces de l’ordre – on découvre aussi les confidences, à visage découvert, des flics qui avaient infiltré les cortèges des étudiants  et qui, dans le feu de l’action, se sont fait parfois « rosser » par leurs collègues,  ou de CRS qui expliquent les techniques pour repousser les manifestants avec les mousquetons : « Le premier range les maintenait à distance et ceux qui étaient derrière tapaient sur les orteils.. » Au fil des témoignages sur la chronologie des évènements, jusqu’à la fameuse nuit des barricades, on mesure comment  bien des policiers de base étaient dépassés par cette flambée de violence. L’un d’eux note  tout de go : « Je rentrais d’Algérie. On était un peu traumatisé. Et je découvrais la guerre à Paris. Cela foutait la trouille ! »

Si mai 68 ne bascula pas dans une vraie guerre civile, on voit avec le recul comment ce fragile « équilibre » n’a tenu, certains jours de mai qu’à un fil. Un documentaire passionnant pour mieux comprendre cette histoire proche. Et sortir du simple slogan qui fit alors florès du « CRS/SS ». Car, face à un pouvoir politique qui joua un temps les abonnés absents, dépassé par l’ampleur de la contestation, les forces de l’ordre (et certains de leurs chefs) ont évité le pire malgré une vraie violence qu’on mesure avec les documents d’archive et les images prises dans le centre de secours improvisé à la Sorbonne. Et même s’il avait le sentiment d’être désavoué quand le premier Ministre Georges Pompidou, de retour d’un voyage officiel en Iran, fit rouvrir la Sorbonne et libérer les étudiants arrêtés.

Ce qui est aussi étonnant dans ce documentaire c’est de mesurer que les membres des forces de l’ordre interviewés ne sont pas prisonniers d’une posture anti-étudiants mais portent un jugement souvent mesuré sur un mois de mai resté dans toutes les mémoires.

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