PLACE PUBLIQUE, d’Agnès Jaoui – 1h38
Avec Agnès Jaoui, Jean-Pierre Bacri, Léa Drucker, Nina Meurisse, Hélène Noguerra, Frédéric Pierrot
Sortie : mercredi 18 avril 2018
Mon avis : 4 sur 5
Le pitch ?
Ex-star du petit écran, Castro est un animateur sur le déclin. Aujourd’hui, son chauffeur, Manu, le conduit à la pendaison de crémaillère de sa productrice et amie de longue date, Nathalie, qui a emménagé dans une belle maison près de Paris. Hélène, sœur de Nathalie et ex-femme de Castro, est elle aussi invitée. Quand ils étaient jeunes, ils partageaient les mêmes idéaux mais le succès a converti Castro au pragmatisme (ou plutôt au cynisme) tandis qu’Hélène est restée fidèle à ses convictions.Leur fille, Nina, qui a écrit un livre librement inspiré de la vie de ses parents, se joint à eux.Alors que Castro assiste, impuissant, à la chute inexorable de son audimat, Hélène tente désespérément d’imposer dans son émission une réfugiée afghane. Pendant ce temps, la fête bat son plein…
3 raisons d’aller voir ce film ?
La plongée dans un jardin privé. Avec cette histoire chorale comme elle les aime, avec son complice en écriture, Jean-Pierre Bacri, Agnès Jaoui nous fait partager les tensions de ce petit monde, réuni le temps d’une crémaillère, dans une très belle propriété où, sur le papier, les tensions ne devraient venir que d’un voisin, paysan ombrageux et colérique.
Or, passé le très habile flash-back de l’ouverture, on découvre que les blessures sont à fleur de peau et de mots. Le tout étant circonscrit à un même lieu. Commentaires de la réalisatrice évoquant leur précédente histoire, Au bout du conte : « On ne se rend pas compte à quel point chercher des décors prend du temps et coûte de l’argent, et j’ai dit à Jean-Pierre : « Plus jamais ! » D’où cette contrainte d’un lieu unique pour Place publique alors qu’habituellement, je ne pense pas à la mise en scène à l’étape de l’écriture », précise Agnès Jaoui.
Un festival de dialogues épicées. De séquence en séquence, on ne peut que savourer les dialogues qui sonnent comme dans les belles comédies théâtrales et font mouche tant les comédiens sont dans le tempo. Le tout étant au service d’une histoire qui, l’air de rien, s’amuse à confronter plusieurs classes sociales. Un choix symbolique à une époque où la frontière entre droite et gauche serait de l’histoire ancienne. « On continue à avoir envie de parler des différences entre les classes car elles existent toujours et que c’est un thème inépuisable même si elles semblent moins marquées qu’avant » souligne Agnès Jaoui. Avec une certaine cruauté douce, le scénario montre bien le mépris dont fait montre Castro envers son chauffeur et homme à tout faire; ou comment la bande de copains toisent de haut le compagnon slave de la productrice, très finement jouée par Léa Drucker.
Des scènes loufoques à souhait. Outre les dialogues
épicés et justes, les deux scénaristes ont imaginé quelques jolies moments de délire avec notamment une critique perlée sur la folie des réseaux sociaux et des selfies. Notamment quand déboulent dans le champ la bande de la star de youtube, Mister V. Commentaires d’Agnès Jaoui : « Le public des plus de vingt-cinq ans ne le connaît pas, mais pour les autres, c’est le plus célèbre de notre distribution. » Et puis, il y a l’inévitable séquence de karaoké, aussi incontournable qu’infernale, sans oublier les moments où Jean-Pierre Bacri chante Les Feuilles mortes ou, clou du final, Osez Joséphine, d’Alain Bashung, dans une belle version épurée.
Célébrant le temps qui passe, sans nostalgie et sur le mode du sourire – et de l’humour parfois noir – Place publique est une comédie tendre et revigorante. Si elle pouvait au moins faire comprendre à la majorité le ridicule des selfies…

