C’EST L’AMOUR À LA PLAGE…

 

MEKTOUB MY LOVE-CANTO UNO, d’Abdellatif Kechiche – 2h55

Avec Shaïn Boumedine, Ophélie Bau, Salim Kechiouche, Lou Luttiau, Alexia Chardard et Hafsia Herzi

Sortie : mercredi 21 mars 2018

Mon avis : 3 sur 5

Le pitch ?

Sète, 1994. Amin, apprenti scénariste installé à Paris, retourne un été dans sa ville natale, pour retrouver famille et amis d’enfance. Accompagné de son cousin Tony et de sa meilleure amie Ophélie, Amin passe son temps entre le restaurant de spécialités tunisiennes tenu par ses parents, les bars de quartier, et la plage fréquentée par les filles en vacances. Fasciné par les nombreuses figures féminines qui l’entourent, Amin reste en retrait et contemple ces sirènes de l’été, contrairement à son cousin qui se jette dans l’ivresse des corps. Mais quand vient le temps d’aimer, seul le destin – le mektoub – peut décider.

Ce qui touche dans le film ?

La radicalité d’une démarche. Après une Palme d’Or amplement méritée pour La Vie d’Adèle, la polémique qui a suivi, il ne pouvait y avoir qu’un changement de cap pour Abdellatif Kechiche. S’il retrouve Sète, ses rues populaires et des plages de La Graine et le Mulet, c’est pour adapter librement le roman de François Bégaudeau, La Blessure, la vraie, en filmant les circulations du désir le temps d’un été. Dans ce film méditerranéen et solaire, premier volet d’une trilogie, il nous offre un léger retour dans le temps nostalgique, au début des années 90, alors que le mobile n’était pas encore un permanent compagnon de solitude et que l’on tirait encore de bonnes vieilles photos argentiques (la séquence qui l’évoque offre un beau moment nostalgique).

En suivant Amin, un garçon sensible et délicat, qui retrouve ses amies de jeunesse mais passe ses après-midi à regarder des films d’Alexandre Dovjenko, en le montrant comme une espèce de « voyeur » qui regarde, sans émotion apparente, les ébats amoureux d’un été, Abdellatif Kechiche semble filmer son double. Il n’est pas innocent qu’une des scènes d’ouverture du film s’ouvre par une très belle scène d’amour physique où Amin regarde l’assaut amoureux derrière des persiennes et qu’il propose ensuite à Ophélie – dont on ne sait pas s’il cultive un désir amoureux pour elle-  de faire des photos de nue.Le sens du choral. Remarquable directeur d’acteurs, Abdellatif Kechiche prouve, une fois de plus, sa maestria en filmant des plages ensoleillées aux pistes de dancing en forme de transe hypnotique, sces petits riens qui font notre quotidien et ses moments où l’on se lâche. Ainsi dans les bars et restos où tous ces jeunes traînent, picolent et cèdent aux jeux de la séduction. Et il a encore su mettre en valeur de nouveaux visages de comédiennes, Ophélie Bau en tête, au naturel étonnant. Mais, il montre aussi comment il peut faire partager le silence dans la très belle et inattendue séquence où Amin capte le moment précis du surgissement de la vie quand la brebis met bas. À cet instant précis, on retrouve la force brute, le sens pictural d’un Maurice Pialat.

Un hymne à la lumière. Dès le générique, deux citations – l’une de La Bible, l’autre du Coran – montre qu’Abdellatif Kechiche est le cinéaste de la lumière et de ce ciel méditerranéen qui berce son récit, des sentiers forestiers où errent ses personnages à la plage où s’amusent ces jeunes en quête de désir.

Pour autant, le défaut principal du nouveau Kechiche tient à une incapacité parfois à provoquer des coupes nécessaires pour éviter de vraies longueurs, notamment dans les séquences de danse où il semble hypnotisé par les éclairs de sunlights et la musique qui tourne sur un rythme névrotique ou ces jeux de mer qui fleurent un peu la pub pour les clubs de vacances. Comme si le cinéaste-voyeur avait du mal à détacher son regard des bassins en mouvement de ces jeunes femmes qui laissent parler leur corps. C’est ce qui gâche un peu ce nouveau volet sur les chants du désir.

 

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