CHIEN, de Samuel Benchetrit – 1h34
Avec Vincent Macaigne, Bouli Lanners, Vanessa Paradis
Sortie : mercredi 14 mars 2018
Mon avis : 3 sur 5
Le pitch ?
Jacques Blanchot perd tout: sa femme, son travail, son logement. Il devient peu à peu étranger au monde qui l’entoure, jusqu’à ce que le patron d’une animalerie le recueille.
En mettant au prise un dresseur misanthrope – Bouli Lanners est inquiétant à souhait dans la peau de ce mec pas ordinaire – et un mec paumé qui devient son souffre-douleur, Samuel Benchetrit retrouve un penchant pour le récit sado-macho, les histoires de domination en adaptant son roman éponyme sorti en 2015 et qui marquait une période sombre dans la vie du romancier, sortant d’une profonde dépression.
C’est en croisant un SDF qui pleurait dans la rue alors qu’il promenait son fils avec son chien qu’il avait eu l’idée de cette histoire. Confidences : « C’est assez rare qu’un homme à terre comme on en voit trop souvent pleure de toutes ses forces. Là-dessus, un groupe de femmes fonce vers mon fils et moi pour câliner le chien sans un regard pour le SDF ! Le point de départ du livre se situe quelque part ici. A travers lui, j’ai eu envie de parler de notre société actuelle où on nous demande à tous beaucoup et de plus en plus : l’argent, la séduction, la beauté… Et pour cela, est arrivé un personnage à qui, à l’inverse, on ne demanderait absolument rien ! Un homme qui deviendrait un chien. »
Étonnante est la prestation d’un Vincent Macaigne dans cette comédie noire et kafkaïenne à souhait où cet humain aussi bon que faible accepte finalement de devenir un cabot car c’est l’unique solution pour exister aux yeux des autres. C’est sans doute son personnage déjanté, perdu mais dont le regard conserve, même dans les pires situations, une vraie humanité, qui donne tout son sel à ce récit.
Au demeurant, le ton de cette comédie noire – et c’est sans doute la partie la plus intéressante d’un film parfois un brin chaotique et qui manque de colonne vertébrale – permet au réalisateur d’évoquer des sujets politiques que ce soit le fascisme, le pouvoir, l’individualisme forcené… Et ce film est aussi un opus sur les êtres en rupture, en rogne et qui se cherchent. Une des bonnes idées du film, c’est justement d’avoir confié le rôle du dresseur à un Bouli Lanners qui a une tête classique et n’a rien d’un héros à la Jean-Claude Van Damme, prévu à l’origine pour tenir ce personnage. Car, le dresseur, taiseux dans l’âme, n’en est que plus inquiétant avec son sadisme au quotidien et ses accès de colère.
On est loin de l’humour d’un Didier, et ce Chien offre une vision désenchantée de la nature humaine portée par la musique originale de Richard Reed Party, le leader du groupe Arcade Five, qui fait aussi de la musique classique minimaliste. Ici, il a su accompagner la lente descente aux enfers de Jacques Blanchot d’une atmosphère pesante à souhait.


